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La Philosophie d'Alan Watts
22 mars 2013

D'un peu de tout, ce billet

 A ce que j'ai lu, Shanghaï serait devenu à la Chine ce qu'est New-York aux États-Unis, c'est-à-dire un lieu où sont représentées toutes les tendances culturelles du pays quoique sous une forme qu'il est impossible de retrouver autrepart dans le pays. (Et, en souvenir de Ti Jean -Jack Kerouac- dont l'ouvrage que « moi-je » préfère demeure Satori à Paris, je signale que l'Association Zhongbreiz est en voie de pouvoir rivaliser avec celle des bretons de New-York, cependant que les meilleures crêperie de Montparnasse sont -la plupart- tenues par des chinois. Ce qui est une agréable manière de vivre l'interculturalité du monde. Le jour où un mollah pourra célébrer la prière du soir à Notre-Dame de Paris, un Grand Rabbin diriger celle de la Grande Mosquée de Paris et leurs fidèles trouver à la sortie des moines bouddhistes quémandant leur soupe ou le bol de riz du soir, la véritable Paix des Hommes de Bonne Volonté ne sera pas loin. On pourra même envisager la suppression des religions institués.)

Pour l'heure, on peut supposer que les critiques qu'Alan Watts faisait à l'American way of life trouveraient tout à fait leurs places dans les Grands Magasins et les Gratte-ciels de Shanghaï (ceux du Front de Seine ou de la Défense à Paris pareillement, au fait ! La vie « à l'américaine » est de plus en plus devenue mondiale !

Et pourtant...

Pourtant à Shanghaï, des enfants se rendraient dans de discrets appartements du centre ville, où les décors et la discipline se veulent faire revivre les anciens confucianismes.

J'avoue savourer les utopies périphériques de la Philosophie wattsienne.

Elles expriment une espérance, une sorte de Woodstock de la pensée, mais aussi une mise en garde et une méfiance.

Cette méfiance -cette défiance- se justifie dans l'aspect attrape-nigauds des idéologies et des cénacles ayant pignon sur rue, mais en rien de solides bottes permettant de marcher dans la boue. (Encore qu'on puisse y marcher pieds nus. Le lavage des chaussettes en devient inutile.) Non ! Non!Et Non ! Ne plaisantons pas : cette méfiance provient de la négation même de l'idée d'ésotérisme et de spiritualité ; négation qui part du postulat que le monde nous est exclusivement extérieur dans son spectacle comme dans sa matérialité. Tout le mérite de la Philosophie d'Alan Watts est d'adopter un langage résolument moderne, voire occasionnellement de s'adapter aux dernières idées à la mode. Il n'en demeure pas moins que la Philosophie d'Alan Watts est traditionnelle. La Contre-culture spirituelle est celle qui fut le partage de toute l'humanité jusqu'aux environs du 11° et 12° siècle. La Contre-culture est une Culture de retour à la Tradition primordiale que toutes les idéologies et théologies positives tentèrent de détruire à partir de la Renaissance. Ces idées remontent aux débuts du second millénaire Post. J.C. Que leur diffusion fut freinée, notamment par les grandes épidémies, puis accélérée avec Gutenberg (1400-1468) -et la transposition écrite des langues vernaculaires- ne modifie pas l'aspect mondial du phénomène.

La mondialisation ne date pas d'hier. Mais question « date », tout le problème provient de ce que le premier millénaire ap.J.C ne débuta pas pile poil l'An 1000. Pas plus que le XXI° siècle ne commença en l'An 2000.

Ces divers phénomènes entre dans le cadre de l'Age Sombre, dit aussi Kali-Yuga, le Temps qui Tue. Et, sans vouloir jouer les prophètes, la crise économique actuelle ne trouvera une solution que le jour où les économistes, en des termes économiques et financiers, SVP, nous expliqueront le lien entre l'attentat du 11 Septembre, l'effondrement bancaire et un Fukushima venant après Tchernobyl.

Probablement en privé plus qu'en public, Alan Watts ne manquerait pas de demander, petite notation en marge, d'où vinrent et où allèrent les billets de banque qui servirent à l'occasion de ces trois tragédies (les cours de la bourse se sont redressés mais les billets que l'on palpe, où sont-ils?)

On peut dire que l'Age Sombre débuta avec la désacralisation du monde comme transmission d'un message spirituel intérieur. Le vrai sacré est regardé au dehors mais nous parle de notre vie intérieure. La désacralisation du monde, inversement, se caractérise par une projection (exclusivement unilatérale, à sens unique obligatoire) d'une interprétation subjective et de convoitise, d'accaparement, d'acquisition et de possession impériale du monde (éventuellement, avec aussi des valeurs irréductiblement esthétiques et poétiques mais détournées de leur fonction naturelle). On utilisa aux USA l'expression de matérialisme spirituel, à la suite de Chogyam Trungpa Rinpotche. Je dois dire, à titre tout à fait personnel (!), que cette expression m'a toujours gêné, car, à titre de plaisanterie semble-t-il, Alan Watts utilisa cette même expression pour désigner le fait que la matérialité du monde est elle-même divine. Ou, -autres expressions disponibles, la « manifestation du Ki », le « Spiritus » médiéval ou encore et encore le « Jeu de notre existence au monde », etc. Par définition, toutes ces expressions impliquent une traversée de l'immanence par la transcendance. On utilise parfois l'expression poétique de « transparence du dedans et du dehors » ; et dans les commentaires de tendances soufies, il est rappelé que l'être humain ne peut jamais voir que l'une des figures de Dieu, que celles-ci sont partout, que toutes reflètent le vrai visage de Dieu, mais qu'aucune ne sont Dieu. Dieu contient toutes nos petites lorgnettes, mais il est grand, immense. La grandeur d'Allah n'est pas différente, au moins sur ce point, de l'immensité de Brahman. Il faut bien saisir qu'utilisant à l'occasion une phraséologie de teinture scientifique telle « On peut s'interroger de savoir si c'est le cerveau qui s'évoque lui-même dans l'Univers ou l'Univers qui se reflète dans le cerveau humain », il se réfère à cette transparence de l'Être, au cœur du message de la Tradition.

C'est ici, dans nos raisonnements, que prend place la sémantique générale, l'idée que les mots ne sont pas les choses.

L'Apophatisme général que je préconise pour ma part n'est qu'un antidote de la double maladie de la « positivation » du monde et de « l'idéologisation » partisane des concepts le désignant.

La psychologie moderne entend adapter les individus au monde extérieur, jugé avant tout socio-économique. Les voies de libération nous unifient au Sacré. La psychologie moderne tend à nous adapter aux contraintes de la conquête impériale du monde. Les voies de libération nous proposent une adaptation aux lois du Ciel. Elles impliquent l'obéissance aux lois « sous le Ciel » (l'animalité en tant qu'elle est une dimension biologique commune entre les animaux et les hommes), mais ce qui est « sous le Ciel » est bien sûr contenu dedans le Ciel, notre ciel du système solaire, contenu lui-même dans une galaxie, contenue elle-même dans le Cosmos.

Ce qui ne doit pas faire oublier, qu'à nos yeux (qui sont en droit d'en être) émerveillés..... la voûte céleste se trouve « en haut » et la terre, le sol même de la planète sur laquelle nous marchons, -nous aimons ou nous faisons la guerre, subissons des catastrophes ou des épidémies-, se trouve « en bas ». Et, l'être humain est -de toute évidence- tout aussi bien à la merci des réalités d'  « en bas » que des mécanismes cosmiques. Notre Terre se réchauffe d'elle-même de notre fait, mais notre Soleil se meurt et tôt ou tard nous renverra à une époque glacière sans que l'action humaine y soit pour grand chose. (On remarquera que des catastrophes telles celles de Tchernobyl ou de Fukushima proviennent autant d'une malveillance « d'en haut » que « d'en bas » : si le choix des emplacements comme le calcul de résistance des matériaux n'avaient pas été truqués pour des raisons de profit, il est probable que les dégats de l'impact strictement « naturel » eussent été considérablement moindres.)

Être écolo signifie respecter le territoire des tigres, mais l'équilibre des contraires nous invite premièrement à ne pas s'aventurer de tirer leurs moustaches sous prétexte d'amour de la nature et, deuxièmement, à conserver une excellente carabine à portée de main et d'être capable d'abattre tout fauve qui viendrait à s'aventurer sur le territoire des humains.

 

Tout le problème, sur ce vaste décors d'un surréalisme dalilien et le drame cosmique qui s'y joue, demeure : « ET MOI ? ET MOI ? ET MOI ? Qu'est-ce que moi-je deviens dans tout ça ? »

Nota ascético-orthographique : sauf si l'écrivant se trouverait être un Éveillé, ce « deviens » doit être orthographié à la première personne : la maladie de l'ego est nôtre quoique la pression éducative et socio-culturelle, le sur-moi et toutes ces choses, y ont une part essentielle. Mais, l'ego n'est pas une maladie qui nous tomberait sur le dos comme un coup de froid. Elle est aussi congénitale que sociale.

Tel est l'enjeu de la métamorphose d'une conscience egotique en conscience cosmique.

En Extrême-Orient traditionnel, on évoque le grain de sable s'envolant avec le vent du désert ou la vague qui rejoint l'Océan.

Ce sont les thèmes qu'abordent au fond Psychothérapies Occidentales et Orientales, et que mes commentaires feront escorter du tout premier livre américain d'Alan Watts, (La Signification du Bonheur) et de son tout dernier sur le Tao (the watercourse way – à ne pas confondre avec La philosophie du Tao, dont la signification est bien à l'opposé « the tao of philosophy » : ce en quoi le tao traverse aussi la réflexion philosophique ; techniquement, il faudrait dire : le tao-te (dao-de) : la vertu du tao en philosophie (ce en quoi la philosophie peut nous aider à découvrir le tao, mais sachant les limites de son propre discours, car le tao véritable traverse sans s'y arrêter ; le tao peut traverser le discours philosophique mais ce dernier ne saurait lui être extérieur ou par paraphrase, comme dirait Zhuangzi : à trop dire le tao, on ne fait que prouver que l'on ne l'a jamais écouté, ni entendu, i.e. Que l'on n'y entend rien !).

Ceux qui s'intéressent prioritairement à ce passage (effectivement psychologique) de l'ego au Cosmos, du « petit soi » auto-centré au Soi libéré peuvent se contenter des trois livres mentionnés plus haut.

Ceux qui ont une habitude ou des goûts philosophiques devraient y adjoindre L'Identité Suprême pour la question de l'ésotérisme et L'enseignement oral des bouddhistes tibétains, d'Alexandra David-Neel sur l'inexistence substantielle de l'ego. (Alan Watts exigeait, de ses étudiants à l'Académie des Etudes Asiatiques, la lecture préalable de cet ouvrage, sans laquelle ses propres affirmations - lors de ses cours, conférences et séminaires - sont incompréhensibles.)

Ces deux ouvrages marquent aussi l'évolution de la pensée d'Alan Watts : de la lecture de son premier livre américain, il est possible de penser qu'un ego sain équivaut à la libération intérieure. Après avoir lu Tao, on sait (du moins les concepts de ce Savoir) que la Vie, notre vie personnelle incluse, est un verbe sans agent ni substantif, attribut ou épithète. La fonction naturelle de l'ego est seulement de constater qu'il est vivant plutôt que mort. Ma grand mère me disait : « T'as mal ? Tu es donc bien vivant ! » Si elle avait été averti du zen, elle aurait précisé « Quelle chance !Quelle Merveille ! » Ce qui fait bien plus chic, pour sûr. Mais, tout de bon, n'est-ce pas merveilleux ? Pour de bon et pour de vrai !

 

Étant en ce moment sans l'sou, je suis contraint de reporter l'achèvement de mon blog sur Alan Watts à l'automne prochain. Ce qui ne fera qu'une année de retard sur mes désirs ; l'éternité en a vu d'autres... 

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29 juillet 2013

Devoirs de Vacances (1/3)

Devoirs (& amusements) de vacances

 

L'autre jour, qui était celui d'avant-hier, je me suis précipité au lavabo sitôt parvenu chez moi. Et là, dans le miroir, j'ai découvert – stupéfait – un visage aux yeux hagards ruisselant de sueur ! Une figure en miroir de véritable clodo du dharma, loin des sourires dentifrices de nos hommes politiques toujours fiers d'exhiber leurs implants dentaires par crainte de se mouiller des réalités pluvieuses dont ils ont perdu le contrôle.

Je venais de faire une petite marche d'une vingtaine de kilomètres sous un soleil de plomb. Pourquoi «de plomb» ? Je n'en sais rien. Mais, ça se dit. Tout comme d'une vie intérieure, on dit aussi «profonde». A croire qu'une vie intérieure ne saurait être superficielle, et ainsi trop proche d'une vie extérieure. Laquelle n'est pas beaucoup mieux définie que l'intérieure. (A présent, on parle même d’Écologie profonde. Toute vie intérieure serait mieux dite superficielle que profonde. Mais, la formulation est moins belle que celles d'Alan Watts lui-même tendant à montrer que ce qui constitue une limite constitue du même coup un contact. Dieu est Relation, disait Thomas d'Aquin. Et, sauf erreur, tout contact requiert une surface. Sans doute, entend-t-on ''profond'' au sens de ''plus réel et exact qu'une approche superficielle sans véritable compréhension du sujet, sa portée, ses implications lointaines et ses significations existentielles.'')

Mais passons ! Je suis en philosophie de vacances. Une de ces philosophies des apparences définissant les choses par leurs contraires sans préciser la nature de ce contraire et en quoi il est un contraire. Telle la météo. Laquelle est ''bonne'' certains jours, et d'autres jours non.

Encore que hagard, mentionné plus haut étant un terme de fauconnerie, qui exprime la sauvagerie en opposition de la domestication, ne saurait être une apparence contraire à ma joie de me rafraîchir et terminer mon plaisir de vieux marcheur.

Redevenons SERIEUX, et ne nous égarons davantage.

Mon intention n'était que d'adresser une petite carte d'un Été, peu ensoleillé en fait.

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Carte intéressée, car je souhaite inciter mes visiteurs à un esprit critique à l'égard des réflexions que je compte rapporter ici à la rentrée au sujet du psychologique et du spirituel ; et de la distinction que je compte établir.

(Je souhaite que la critique vienne enrichir mon point de vue.)

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L'expression de mon visage m'a beaucoup amusé. (Et, quoique je ne l'ai pas encore dit, la teneur générale de mon billet portant sur la « psy/spi...quelque chose » on est en droit de penser que cette dite expression a elle-même un rapport quelconque avec le sujet ; qu'elle n'est pas une simple plaisanterie pour détendre l'esprit... ou mon corps et son esprit... esprit au sens d'esprit d'un alcool ou d'un vin.

Elle n'avait rien de particulièrement spirituelle ou religieuse, et dénotait seulement un certain état de fatigue résultant de l'effort physique que je venais d'effectuer dans la chaleur d'un plein soleil. On notera toutefois des éléments psycho-physiques certains tels

- que je n'étais pas présentable...

- que la production de sueur est un signal olfactif érogène (rendant gênant de se présenter comme en état de rut) mais que la sueur refroidissant produit une puanteur déplaisante (pouvant suggérer un manque de respect d'autrui)...

- qu'avant une certaine 'récupération' physique, ne serait-ce que de quelques minutes, la plupart des gens sont indisponibles à toute conversation, que ce soit pour écouter l'autre ou s'adresser à lui.... alors s'adresser à Dieu, vous pensez !... D'ailleurs, Jésus montre l'exemple : il commence par laver les pieds et remet à plus tard de parler de l'Esprit. (Même nus, les pieds ça pue).

Tout ceci pour dire que sans être dans le sujet même de la psychologie et/ou de la spiritualité, je parle néanmoins d'éléments préalables à l'esprit de fraternité que sont les rapports sociaux. (Et, l'esprit de fraternité est une dimension horizontale de toute vie psy/spi réelle, n'est-ce pas?)

Comme je vis actuellement seul, c'est sans importance en dehors d'une question d'hygiène et de santé. Mais, on peut imaginer que j'eus été invité pour le thé ou que j'ai moi-même invité à prendre le goûter avec moi....

J'aurais pris une douche, peigné ma barbe, mis de l'eau de Cologne ou de toilette. Je me serais habillé de propre. Par cette chaleur, inutile de se beaucoup vêtir. C'est bien pratique... D'un autre côté, je ne pratique pas le nudisme (du moins en compagnie).

Au fait, peut-on avoir une vie psychologique dans l'isolement ('l'enfant-loup') ?

Quand je suis pris ''en stop'', ce n'est pas seulement mon corps qui se relâche, mais aussi mes éventuelles tensions psychologiques, car je puis m'exprimer, raconter telle petite histoire ou provoquer un échange.

Un autre jour (cette fois là, c'était voici près de deux ans), j'ai épaté une jeune femme qui venait de me prendre dans sa voiture. A peine assis, je me suis exclamé : « Dites donc, Madame ! Ne seriez-vous pas une gendarmette par hasard ? »

Devant son étonnement, je lui ai précisé qu'elle était la première personne rencontrée depuis longtemps qui respecte tout 'naturellement' les consignes de sécurité a) par rapport au code de la route b) par rapport au risque d'une agression physique. (Ce b consiste en deux points principaux : ne jamais s'arrêter au hauteur d'un inconnu, mais quelques mètres en arrière ; être en mesure de démarrer sur les chapeaux de roue.)

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Au cours de cette marche, j'ai pratiqué diverses techniques ou, disons plus simplement que j'ai utilisé plusieurs trucs pour marcher vite, sans souffrance et sans fatigue, tout en demeurant dans un état d'esprit proche du recueillement.

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La psychologie est descriptive, apodictique, assertive et prédicative ; et supposée potentiellement thérapeutique.

Le spirituel est silencieux, indiscernable, lointain, assez indéfinissable1 ; et supposé parfaitement inutile2 et sans effet3.

Sauf à dire que toute psychothérapie est normative et répressive, idée-o logique ;

Que la spiritualité est polymorphe et libératrice, apophatique.

Comme je l'annonce à grand renfort de hauts cris de bateleur : j'entends faire valoir dans mes blogs d'Automne que la philosophie d'Alan Watts est totalement apophatique, mais joyeusement et expérientiellement mystique.

 

Bon Été.

1Si ce n'est à la manière du bonheur, par son absence.

2Si ce n'est à la manière de l'esthétique, quand son support matériel ne peut se vendre à l'Hôtel Drouot.

3Sinon comme placebo, certes.

11 août 2014

Un intermède supplémentaire 2/3 addenda

Faire et être en paix

 

L'autre jour, du mois de Juin, venant de mettre en ligne mon petit billet, j'ai éprouvé le besoin d'aller feuilleter quelques pages de Dostoïevsky. Une drôle d'idée, mais assez déprimante sur le moment, m'est alors venue : que les méfaits des débuts de l'ère industriel amena nombre d'auteurs, en tout genre et de tout pays, à soulever un ensemble de questions qui sans appartenir à la philosophia perennis, telle qu'habituellement définie – y touchaient de près. Un peu comme si de tous bords, on se serait rassemblé sur le parvis (le profane) d'une cathédrale (le sacré) mais sans oser y accéder pour en débattre. Comme si la maison de Dieu (qui peut être celui de la Bourse) ne saurait en aucun cas être la maison du Peuple (qui n'est pas forcément une foule manipulable à merci). Ensuite, il n'y eut plus matière à discussion. La parole fut aux canons.

Sans doute peut-on, ou du moins est-il possible de penser que l'on puisse se montrer philosophe sous un bombardement (quand on demandait à Teilhard de Chardin, brancardier en 14-18, comment il pouvait foncer ainsi sous un tir de mitrailleuse pour ramener un blessé, il répondait en substance que s'il était touché ce ne serait jamais qu'un peu de matière rencontrant un peu de matière ; ce qui est indubitablement une excellente manière de dépasser le dualisme – et son concept d'énergie-matière est bien « spirituel ». Et constatons qu'il est possible d'être philosophe sous les bombes, mais certainement pas de charpenter une réflexion en vue de faire avancer le débat philosophique ou d'apprendre une technique religieuse quelconque. (Après tout, l'acte de philosopher commence par une forme d'entretien avec soi-même, auquel il est possible, plaisant, utile ou nécessaire d'inviter un autre à participer. Et, hélas ! on imagine mal Teilhard, puisqu'il était prêtre, aller voir son Colonel pour lui demander ce qu'il comptait faire pour la messe et les vêpres, compte tenu du bruit assourdissant des canons !)

Du coup, nous héritons des questions « philosophiques » soulevées au 19° siècle (et dès la fin du 18° ) mais de bien peu de réponses pour le 21° siècle. Avec ce considérable « dommage collatéral » que la plupart des dirigeants politiques et économiques continuent de raisonner comme si le machinisme (& chômage) ou les problèmes écologiques n'existaient pas, comme si le Système de réflexion et d'action était inapte à mesurer les changements du monde opérés au cours des deux ou trois derniers siècles... l'urgence étant de « faire face à l'ennemi » qu'il soit de l'armée « X » ou de la concurrence commerciale « Y ». Nous avons inventé de véritables « sciences et techniques » (& commerce) de guerre. Nous n'avons pas eu le temps d'en concevoir pour la paix.

Nous savons faire la paix, mais pas vivre en paix, et politiquement nous nous comportons tous à la manière de l'humoriste qui disait pour la cigarette : « Arrêter de fumer ? Rien de plus facile ; je l'ai fait des centaines de fois ! »

16 mai 2016

Reprise Psy Or Occ - 02

Il est possible que ce ne soit qu’une « vue de l’esprit » de ma part : la difficulté de résumer cet ouvrage provient d’Alan Watts lui-même, dans son écriture : il a déjà vendu la mèche ! Il cherche une nouvelle expression littéraire (i.e. verbale), utilisant un « langage scientifique » pour énoncer une réalité évidente à ses yeux. De chapitre en chapitre, il explore devant nous les diverses possibilités (et les discours tenus à ces sujets), tout en se contraignant à ne pas laisser prévoir ses conclusions. Son écriture est un peu contrainte, tel un mauvais humoriste dont la difficulté à contenir son rire, en racontant une blague, est trop visible.

L’alternative et la convergence (supposées) ne sont pas entre Orient et Occident (au plan thérapeutique), mais celles d’une adaptation (et toute « guérison » n’est jamais qu’une « adaptation » de l’organisme à son environnement – permettant d’éviter la mort, et une relative autonomie du corps.)

Cette adaptation peut se faire par rapport à la nature ou par rapport à la société.

Adaptation ou adaptation + « libération ». La nature aussi bien que la société manifestent la ‘volonté’ d’imposer un « destin ». Toutes deux « aliènent » l’individu (du moins quand cette notion ou la réalité correspondante existent dans la culture locale envisagée).

Sous cet angle, la grande différence entre l’Orient dit contemplatif et l’Occident dit actif, est au final identique.

Le Christianisme, les monothéismes1 en général, furent réticents, ou opposés, aux « techniques orientales », notamment au Yoga, puis au Zen, précisément parce que l’acteur des dites contemplation & action entend se libérer, guérir, trouver son bonheur, sans l’assistance ou par-delà les lois habituelles de la nature et/ou de la société.

Petite difficulté connexe : dans cet ouvrage en particulier, Alan Watts ne peut ignorer ses lecteurs américains, lesquels doivent composer avec la réalité d’une société dont la clef institutionnelle est « Dieu », dont la pratique peut se traduire de toutes les manières possibles et imaginables, depuis le puritanisme des premiers migrants jusqu’aux églises dont le culte permet de multiplier son chiffre d’affaires ou le montant de son compte en banque. Les dénominations sont si nombreuses… (Ne parlons pas des sectes meurtrières, type suicide collectif de Guyana, mais n’oublions pas que ce phénomène existe… A mon avis, tirons-en la même conclusion qu’Alan Watts : une stricte a-politique. Laquelle ne signifie pas anti-politique, ni non plus notre franchouillard « gouverner au centre ».)

L’ouvrage ne s’adresse en rien aux croyants, ni aux incroyants du reste, mais aux chercheurs de « l’éveil au moi véritable », qui est une affaire intérieure et privée. Pourtant, pour toute intérieure qu’elle soit, la guérison du faux-moi passe par des moyens appropriés au cadre culturel et géographique dans lequel cet éveil il s’effectue. Il ne peut faire l’économie de l’ignorer. L’ensemble de ces concepts et réalités qui y afférent ne sont pas des produits d’import-export. Le transporteur n’offre aucune assurance de fret, ni même de garantie d’origine.

Conclusion et/ou confusion (de pause) pour ce billet :

A la manière de ce religieux2 affirmant que « la meilleure preuve de la Puissance du Diable est qu’il soit parvenu à nous faire croire qu’il n’existe pas. », je serais tenté de prétendre que la meilleure preuve de la souffrance de cette entité fictive qu’est l’ego est le spectacle de l’absence, à moins que ce ne soit la bougeotte, des positions politiques françaises, au sujet de la religion, de la morale, du sexe, de la guerre, etc. quand ce n’est le « sens de l’État » dont, logiquement, ils devraient se réclamer.

1Le matérialisme étant un monisme

2Cité par Jacques Brosse dans ses Grandes Personnes, si je ne m’abuse.

5 juillet 2016

Reprise Psy Or Occ - 03, 3/3

Quelques citations pour achever de ‘circonscrire’ le point de ‘départ ’ de l'ouvrage.

« Le but de la libération est non de détruire la maya, mais de la voir pour ce qu’elle est, d’en dépasser les apparences. Un jeu ne doit pas être pris au sérieux, ou en d’autres termes, une idée du monde et de soi-même qui n’est qu’une convention et une institution sociale ne doit pas se confondre avec la réalité. Les règles de la communication ne sont pas nécessairement celles de l’univers, et l’homme n’est pas la fonction ou l’identité que la société lui impose. En effet, dès qu’un homme cesse de se confondre lui-même avec la définition que les autres donnent de lui, il devient à la fois universel et unique. Il est universel en vertu du lien indissoluble de son organisme au cosmos. Il est unique en ce qu’il est précisément cet organisme et non un quelconque stéréotype de la fonction, de la classe ou de l’identité assumée pour la nécessité de la communication sociale.

« La détresse naît d’une confusion entre cette maya sociale et la réalité…

[ Devant les dilemmes de la pensée, du sentiment ou de l’action, une solution doit être trouvée ]

« Certains la trouvent dans les psychoses et névroses qui relèvent d’un traitement psychiatrique, mais la plupart tentent de se délivrer dans ces orgies socialement permises que sont les divertissements de masse, le fanatisme religieux, l’excitation sexuelle chronique, l’alcoolisme, la guerre, et toute la suite affligeante de ces échappatoires répugnantes et barbares. » (p 7)

NOTA : La maya n’est pas une illusion perceptive du monde extérieur, pas plus que le « faux-moi » de l’ahamkar n’est une illusion de soi-même. La libération métaphysique ne détruit pas plus le monde extérieur qu’elle ne supprime l’existence de l’ego. Ce livre pivot1 dans l’œuvre d’Alan Watts est un livre de métaphysique, mettons (arbitrairement) à 90 %, et de recommandation d’un style personnel de vie à 10 %!

Petite info de rappel : Alan Watts, dès sa jeunesse en Angleterre s’était intéressé à la psychologie jungienne. Ainsi qu’à Alfred Adler (1870-1937), divers auteurs bien connus avant la Guerre 39-45. Parvenu aux USA, il s’ouvrira, puis participera activement aux « néo-thérapies ».

Il n’a jamais beaucoup apprécié Sigmund Freud.

« De fait, Freud a défini le désir de retour à la conscience océanique prénatale sous le nom de principe de nirvana, et ses successeurs ont persisté à confondre toute idée de transcendance de l’ego avec la simple perte de la puissance de « l’ego ». Cette attitude découle, peut-être, de l’impérialisme de l’Europe occidentale au XIX° siècle, où il était commode de considérer les Indiens et les Chinois comme des païens arriérés. Incultes, pour qui la colonisation représentait le seul espoir de progrès. » (p 15)

Il donne (p 15) une longue citation de Gardner Murphy (1895–1979)  : « Si en outre nous voulons sérieusement comprendre, autant qu’il est possible, la personnalité, sa constitution et sa désagrégation, nous devons comprendre le sens de ces expériences de dépersonnalisation par lesquelles la conscience de soi individuelle est aboli, et l’individu se fond en une conscience qui n’est plus en rapport direct avec le moi. De telles expériences sont décrites par l’hindouisme dans les termes d’une ultime identification de l’individu avec l’Atman, c’est-à-dire l’entité cosmique supra-individuelle qui transcende à la fois le moi et la matérialité. Certains hommes souhaitent de telles expériences, d’autres les craignent. Notre problème n’est pas de savoir si elles sont souhaitables, mais quelle lumière elles projettent sur la relativité de notre actuelle psychologie de la personnalité… Certains modes de configuration de la personnalité, dans lesquels la conscience de soi est moins accentuée ou même fait défaut, pourraient bien être les modes généraux (ou les modes fondamentaux) de la conscience. »

Il enchaîne à la page suivante avec A.F.Bentley (1870-1957 ; épistémologue plus que psychologue) : «  L’individu en peut être banni qu’en faisant preuve d’un surcroît d’existence, et non en prétendant qu’il en manque. Si l’individu disparaît, ce sera parce que la vie réelle des hommes, explorée assez largement, s’avère trop riche pour lui, non parce qu’elle se montrerait indigente. »

Et commente ainsi :

« Il suffit de regarder les traits pleins de vie et de personnalité, les yeux attentifs des grands maîtres du zen que représentent les peintures chinoises et japonaises, pour comprendre que l’idéal qu’elles illustrent est tout autre chose qu’un non-être collectif ou la dissolution dans les limbes d’un ego débile. » (p 16)

L’erreur égotiste et son corollaire quasi obligé d’un comportement égoïste est de trop mettre en avant ce qui n’est qu’un élément de la réalité d’une personne et de son existence. « C’est comme si on voulait faire honneur à la main en la coupant du bras ! » plaisante Alan Watts.

&

Mais, je m’en avise, je n’ai pas réellement commenté ce chapitre un.

Pour le faire, il faut sortir un peu de sa ‘circonscription’.

La ressemblance commune (le point commun n’est pas la chose elle-même, mais ce qui y ressemble, ce qui fait qu’ils se ressemblent) est le changement opéré.

D’une façon générale, le psychothérapeute intervient pour modifier la perturbation dont souffre son patient. Les moyens de libération, pour conserver l’expression d’Alan Watts, s’adresse à des personnes socialement bien intégrées et adaptées à la société dans laquelle ils vivent, mais qui cherchent quelque chose de plus.

Nota : à la parution de Psycho…(1961), Chogyam Trungpa ne s’est pas encore installé aux USA2. C’est justement au cours des années 60 que le Contre-Culture américaine va se « spiritualiser », et, en périphérie, devenir « religieuse », voire très nettement « superstitieuse ».

Cela n’implique pas qu’avant les années 70, les questions posées et les réponses apportées aient été moins pertinentes. Elles demeurent d’ailleurs d’actualité !

Simplement, ça se présentait autrement. Les journalistes français qui allaient enquêter de l’intérieur le milieu du « Beat Zen » se voyaient souvent accueillis d’un « Simone et Jean-Paul vont bien ? » Simone de Beauvoir s’entend ; et Jean-Paul Sartre, bien sûr, jugés très « zen », par l’idée d’un individu particulier condamné à la liberté mais en butte aux jugements d’une société au mieux limitative, au pire aliénante. Leurs figures associées à l’image d’un St. Germain des Près (au quartier latin) des caves du Jazz et de l’alcool, du libre choix sexuel et des conversations sans fin mélangeant allègrement le sublime et plus trivial de l’existence.

La question demeure : changer, mais pourquoi ? Généralement, on désire changer en vue d’un mieux.

(Dans le cadre de ce billet), je voudrais aller du plus superficiel au plus profond. Ce qui, après tout, se nomme « approfondir » la question.

Superficiellement,

En Occident, s’agrandir, s’élargir, aller mieux implique le plus souvent l’acquisition d’un nouvel avantage social (particulièrement en France, via les augmentations de salaire ; ainsi, notre national Mai 68 est il passé d’une image de révolution culturelle à celle de négociation de Grenelle3), généralement limitée à son propre groupe, ou à sa propre catégorie sociale, parfois à son seul ‘ego à soi’. L’identité est soi-même en tant qu’individu. Quand on est plus religieux, on se confie à Dieu, ou à l’Être Suprême qui en tient lieu, ou à telle valeur supra-individuelle vécue en fait comme un recours vivant. La religion n’est jamais envisagé dans sa dimension mystique. La ligne de partage paraît se situer entre les matérialistes qui promettent le bonheur pour bientôt, et les croyant/religieux qui espère un « Au delà ».

D’autres caractères seraient sans doute à dégager, le point commun est l’individu limité à son ego, généralement lui-même réduit à sa part consciente et raisonnable. (Le scandale de la psychanalyse étant de prétendre que des motivations inconscientes puissent influencer, parfois même entièrement commander l’action et le comportement quotidien.)

Le point fondamental est la position dualiste, que ce soit pour chercher protection, son avantage ou pour servir.

Quand, épisodiquement, l’ego s’identifie à un grand nombre d’autres egos, regroupés ensemble et dont il fait partie, la suspicion de fascisme survient assez rapidement, furtivement ou à hauts cris. Ce qui permet de juger tout rassemblement de masse (n’importe quelle foule) déraisonnable et manipulable. La distinction entre foule de circonstance ou fortuite et ‘foule’ organisée ou canalisée, ou encore fortement disciplinée, tel un défilé militaire, etc n’est d’aucune importance pour mon propos. (Lequel demeure, à la suite de Watts dans Psycho… qui est Moi et est-il susceptible de changement ? Vers une bonne santé mentale, du point de vue psychothérapeutique ; vers une libération (de soi4), du point de vue oriental.

J’exprime mal, ou insuffisamment, quelque chose qui semble (je dis bien qui semble) avoir disparu5 : toute psychothérapie, donc toute consultation d’un psychothérapeute, voire toute étude psychologique prenant l’individu pour objet relève de préoccupations bourgeoises. Effectivement, il faut du temps, et de l’argent, pour pouvoir se préoccuper à loisir de ses états d’âme. Sauf défaillance nerveuse, les besoins primaires ou de survie, l’action, le danger, les situations difficiles peuvent avoir un effet unificateur sur la psyché.

 

Profondément,

Comprendre que l’intérêt écologique individuel est celui de mon Moi le plus réel.

(à suivre, en PS)

 

 

1J’ai déjà utilisé ce terme pour désigner sa découverte de l’École Traditionnelle, puis son « entrée » en Tao. J’y reviendrai à nouveau...

2Et n’a donc pas publié son livre sur le ‘matérialisme spirituel’ de l’Occident. Cutting through Spiritual Matérialism, 1973. tr. fr. au Seuil, 1976, sous le titre Pratique de la Voie Tibétaine, Au-delà du matérialisme spirituel.(Sa2)

3La première était aussi illusoire que la seconde était en trompe l’œil, si l’on considère qu’une augmentation de salaire équivaut rarement à celle d’un pouvoir d’achat – du moins de façon durable.

4La précision est prématurée par rapport l’exposé de ma réflexion, mais qu’il soit clair qu’il s’agit de se débarrasser du fardeau de soi-même et non d’un ‘soi’ égotiste libre (et stable dans sa volonté) de ‘faire ce qu’il veut’.

5La psychologie collective a droit de cité, au moins depuis 1945, fin de la guerre.

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3 septembre 2016

NOTICE

Trois points (comme trépieds de soutien et/ou tripode de levage)

1) Développer une philosophie personnelle implique, à mon sens, qu’elle repose d’abord sur une expérience personnelle ; ensuite, qu’elle appuie son expression verbale sur un philosophe avec lequel on ressent un lien inter-personnel (d’identification, de projection, de transfert ou n’importe pourvu qu’il y ait lien).

Dans mon cas, il se trouve (sans que je m’en plaigne ni ne m’en vante) que le type de rapport qu’Alan Watts entretenait avec sa mère est le même que le mien.

Également, que j’ai connu des déceptions douloureuses d’avoir trop admiré deux ou trois personnes.

Pour Alan Watts, ce fut de constater l’impuissance de son Maître, Dmitri Mitrienovic (Dimitrije Mitrinović, 1887-1953), à s’opposer à la guerre 1939-45, en s’unissant avec d’autres « penseurs » européens.

Les rapports, d’accointance, continuité ou discontinuité de la paix intérieure et de la paix entre les peuples est une question qui m’a interpellé dès mon enfance. Non par un pacifisme bêlant, mais par raison. Laquelle peut indiquer l’usage de la force. (Faut-il rappeler que Socrate fut un excellent soldat ?)

2) Il me semble qu’une telle philosophie requiert de tenir compte que « Chacun chez soi et les vaches (et/ou moutons) seront bien gardées », est un dicton qui se marie bien avec celui conseillant : « A Rome comme à Rome, en dehors comme en dehors » dans la perspective d’une Cité et/ou un Jardin planétaire1.

3) Agacé sans doute de constater que l’ésotérisme (et la Tradition pérenne, avec ses nombreuses appellations et tendances de philosophia perennis, de Tradition primordiale, de perennialisme, etc.) soient devenus des ensembles conceptuels dogmatique et relativement prétentieux, donc « exotériques » comme les autres, déclara plusieurs fois en substance ou explicitement : l’ésotérisme est votre vie intérieure. Ni plus, ni moins.

§ dans cette optique, Alan Watts disait d’ailleurs que ses ouvrages visent la sensation du lecteur et non pas sa raison, ses savoirs et ses opinions.

§ pour simplifier, cette dite sensation est une passerelle entre le message génétiquement inscrit en nous depuis la nuit des temps et notre vie de tous les jours qui se distribue entre nature, culture et société dans un souci de rentabiliser les choses (soi inclus) au lieu de chercher à les unifier & harmoniser. De se mettre à l’écoute...

§ la grande différence entre Tradition-Orient et Modernisme-Occident réside en ce que les premiers se veulent à l’écoute ou en quête des Signes (cosmiques & supposés « divin »2) et les seconds créateurs de signes (étant entendu que le meilleur des anthropocentrismes est européocentrisme).

ces trois points de soutien et d’élévation constituent le thème central ; mes variations en seront les conséquences (parfois équivoques) et avantages pratiques personnels que j’y vois. En tout cas, que j’applique pour ma part, en tant qu’habitant de la planète Terre et tout en demeurant de nationalité française, issue du peuple breton !

 

Mon présent blog n’est pas supprimé pour autant. Comme déjà dit : si des informations et appréciations nouvelles sur la philosophie d’Alan Watts viennent à ma connaissance, je les indiquerai – y compris celles qui ne vont pas dans le sens de mes propres commentaires. Rien de changer sur ce point.

Simplement, à l’automne, mon centre d’intérêt va se déplacer vers Variations Wattsiennes.

(Le lien est actif, mais son ou ses contenus des semaines à venir sont d’entraînement, et tâtonnement.)

1En Europe, on bâtit une maison puis on l’orne d’un jardin (d’utilité comme d’agrément) ; en Chine on choisit un lieu de vie et on y place de quoi s’y abriter – éventuellement un Palais d’Été, quand on est Empereur…

2Panenthéistes, dirait Watts.

30 août 2015

Devoir de Vacances 07

Avec Gary Snyder

(Petite parenthèse liminaire : Épicurisme, hédonisme et stoïcisme ont un point commun : la préférence d'obéir à la nature, accompagnée éventuellement d'une révolte à l'égard de toute intervention institutionnelle, donc sociale, qu'elle soit politique, philosophique ou religieuse. Ce sont, en somme quoique à nuancer, trois "ascèses" et "religions" de la Nature. Trois manières d'être refusant toute idée de "normalité sociale", de conformité politique, de toute image d'homme "standard" – psychologiquement sain – qu'agréent seules les exigences économiques. Les théologies ou "para-théologies" de la plupart des religions justifient le meurtre du Prince, si celui-ci vient à désobéir d'évidence à la Nature. Ce qu'il y a de diabolique dans la totalité des terrorismes divers qui sévissent actuellement de par notre planète, c'est qu'ils ne font aucun mal aux "décideurs", au contraire, mais à des innocents sans défense ou aux biens de ceux-ci. Les terroristes sont pires que des hyènes – les pires des pires fauves en cruauté et gratuité de tuerie, jusqu'à ce H.et J. Lawick Goodall ne viennent les déclarer « innocents » de cette accusation courante. Inversement, je n'ai pas entendu dire, ni pu lire, que les responsables de Tchernobyl ou de Fukushima ait été fusillés. Je conserve un petit espoir pour ceux de Tianjin… )

Nota : Je suis pacifiste, mais réaliste ; et, devant un fauve en comportement1 d'attaque, je ne vois aucune autre solution que de tirer vite et au but. Ce n'est pas "hors-sujet"2. La spiritualité, la religion, le satori, et l'éveil ne sont pas des contes de fée pour s'endormir le soir, séparés des « dures réalités de la vie » ; et ces « dures réalités » sont que, psychologiquement aussi bien que métaphysiquement, nous vivons en société autant qu'en nature. Qu'une distorsion, et puis une coupure se soient produites entre nature et culture, ce sont des faits. Ce sont des faits qui, dit-on, caractérisent l'Age Sombre, le Kali-Yuga, le temps de la destruction. Les esprits modernistes, scientistes et laïcistes s'en gaussent. (Ce qui est bien normal. Mais alors, pourquoi donc les scientifiques préparent-ils, le plus ouvertement du monde, une migration massive des terriens vers d'autres systèmes solaires?)

Tous les fantasmes et spéculations sont permis, mais il n'en demeure pas moins que la Voie, l’Éveil, Satori, kensho, jiànxìng, et tutti quanti ne sont pas supposés servir au déni de la réalité quotidienne, laquelle ne peut éviter une prise en compte du divorce de la Nature et de la Société, et aussi, intrinsèquement de celui d'un esprit humain devenu egolâtre et de l'Esprit cosmique (qu'on l'appelle Saint Esprit, Qi, Prana, Pneuma, ou autres dénominations). Il s'ensuit tout aussi naturellement que l'Or mystique le plus précieux continue de se cacher dans la boue et/ou au milieu d'amas en mica. Par les temps qui courent, le mica le plus pernicieux étant la publicité consumériste (à commencer par la propagande religieuse ou sectaire, bien sûr, bien sûr ! Nul ne peut avoir tout le temps tort, et au plan « bourrage de crane par les croyances religieuses » les laïcistes ne sont vraiment pas loin du tout d'avoir raison).

&

Mais ! Bon ! Pour revenir à des auteurs que j'ai qualifiés de « décapants », nous avons aussi, par exemple, un Gary Snyder et J. van de Wetering. Ce dernier, nous verrons plus tard. Pour Gary Snyder, je mentionnerai ce passage3 :

Le respect envers tous les êtres vivants fait clairement partie de [la] tradition. J'ai ainsi enseigné à d'autres comment méditer pour pénétrer les étendues sauvages de l'esprit. Comme je le suggère dans l'un de ces essais, le langage lui-même est finalement un système sauvage. (...)
Le Sauvage, synonyme dans la civilisation occidentale de sauvagerie et de chaos, est, d'une façon impartiale et implacable, fondamentalement libre dans sa beauté formelle. Et son expression - la richesse de la vie animale et végétale (non compris) sur le globe, les pluies torrentielles, les vents violents et les calmes matinées de printemps, la courbe d'un météore traversant l'obscurité - est la réalité authentique de ce monde auquel nous appartenons.

(Préface à l’Édition française de La Pratique Sauvage, par Gary Snyder, Essais en liberté pour une nouvelle écologie, Éditions du Rocher)

Sachons nous accepter tous égaux et habitants de la même terre. Abandonnons tout espoir d'éternité et arrêtons de lutter contre la saleté qu'elle qu'elle soit. On peut chasser les moustiques, se protéger de la vermine sans pour cela éprouver de la haine. N'attendons rien, soyons alertes et autonomes, attentifs et reconnaissants, généreux et directs. Calme et clarté sont au rendez-vous quand nous nous lavons les mains salies par le travail et que nous jetons un coup d’œil furtif vers les nuages qui traversent le ciel. S'asseoir pour prendre un café avec un ami, voilà une autre joie toute simple. L'espace sauvage nous demande d'apprendre à connaître le terrain, de saluer plantes, animaux terrestres et oiseaux du ciel, de franchir crêtes et rivières, pour ensuite raconter une bonne histoire de retour à la maison.
(…) Voici la portée ultime du mot "sauvage" dans son sens ésotérique le plus profond et le plus angoissant. Ceux qui sont prêts pour l'aventure y parviendront. Mais surtout, s'il vous plaît, ne le répétez à personne!  (extrait)

Alan Watts affirmait que Gary Snyder est ce que lui-même dit ; et que son grand regret est de ne pouvoir le déclarer officiellement comme son disciple, tout simplement parce-qu'il a tracé sa voie par ses propres moyens...

De les lire, ou de lire des articles sur leurs relations, j'ai rapidement retiré l'impression d'une très chaleureuse mais pudique amitié, bordée d'un profond respect mutuel. Une relation d'une qualité finalement assez rare.

1Quiconque s'intéresse à la vie animale sait que la plupart des animaux dangereux passent par une phase de menace avant d'attaquer, mais aussi qu'une attaque déclenchée ne peut être interrompue. La compréhension (& comportement adapté en découlant) peut stopper une menace, pas une attaque. Je rappelle les réactions atterrées d'Alan Watts et de son Maître D. Mitrienovic lorsqu'ils constatèrent la passivité de l'Europe face à la menace nazie, alors qu'elle n'était encore qu'une menace.

2Si j'en crois les réactions au fameux « Zen en guerre », ou, voici quelques mois, une réaction sidérante d'une personne s'étonnant qu'un viol collectif puisse se produire en Inde.

3Dont on peut trouver de plus larges extraits dans

16 juin 2015

Faire sans faire sa voie 3/3

Je n'ai pas reçu de validation, ni non plus d'invalidation, de la gare de Perpignan Centre Cosmique, mais, tout en sachant garder un cadre paranoïaque-critique & anarchiste anti-social, je dirai donc, ou redirai, que sans en être leurs disciples, je regarde Alan Watts comme mon Maître à philosopher et Arnaud Desjardins mon Maître à vivre ma voie… Quelles que puissent être les causes et conditions, interdépendances en tout genre, qui la font mienne. Qui la font mienne, sans que j'y sois pour grand-chose.

Être iconoclaste jusqu'à ses propres convictions, également – chaque fois que possible et supportable pour son mental – jusqu'au plus intime de ses expériences vécues (« spirituelles », ou pas d'ailleurs), est le meilleur antidote à la confusion de la croyance et de la Foi de Confiance1. Je ne pense pas généraliser ma propre expérience en mettant en garde à l'égard de la tentation d'étendre une expérience de Foi solidement vécue à la croyance qui (logiquement) va avec… Confondre Beyond Theology/Etre Dieu, invitation à l'expérience incarnée du divin et Two Hands of God/Les Deux Mains de Dieu, ensemble d'assertions métaphysiques sur la bipolarité du monde lui-même comme de nos attitudes ambivalentes de « moi au monde »… deux ouvrages qu'Alan Watts écrivit d'un même mouvement. (Diverses personnes ont malicieusement fait observer qu'Alan Watts, en plusieurs occasions, au lieu de publier un seul ouvrage divisé en Partie Une : théorie, et Partie Deux : pratique, publiaient deux ouvrages différents en sorte de toucher double droits d'auteur. Sans m'en faire l'avocat, je ne vois pas comment, la plupart du temps, Alan Watts aurait pu faire autrement. Je note du reste que ses préfaces sont quasi similaires, en ces occasions. Certains sujets ne peuvent être traités de la même manière, quand l'auteur autant que l'éditeur savent pertinemment qu'ils ne seront pas lu par un même public.)

Revenons au « faire sa voie », que nous y soyons guidés par la main du « Bon » Dieu ou par celle du « mauvais » Satan. Petite digression, si c'en est bien une : l'un des prête-nom du Diable et/ou Satan (non scripturaire et le plus récent, si j'ai bien compris) est Lucifer, qui s'accorde parfaitement à notre monde moderne (& post-industriel) la tentation du brillant, du clinquant ; le « toc » pour attrape nigauds de la Consommation, qu'il s'agisse d'objets ou d'expériences trompeuses ou de ce « matérialisme » mal nommé, qui n'est que trompe l’œil. La voie de chacun ne peut s'exclure totalement de ce « mal » moderne, ni éviter de s'y faire, de faire avec, de faire sa voie avec Lucifer (du plus loin possible à mon avis, mais inévitablement avec). Il ne faut pas prendre des vessies pour des lanternes, mais il faut bien se dire aussi que la plupart de nos lumières proviennent de vessies.

A propos, n'est-ce pas Mao Zedong qui disait que la puissance occidentale n'est qu'un « tigre de papier »… version chinoise de « vessie » ?

(Dans la ligne de mon renvoi précédent à « La richesse et l'argent », qu'est-ce que cette économie luciférienne, qui promet de supprimer le chômage mais pas les suppressions d'emplois ? A ce jour, la seule explication serait que les banquiers et boursicoteurs ne sont pas d'accord!)

&

Un point nécessitera des éclaircissements ultérieurs : l’insuffisance du refus de se plier à l'idéologie dominante pour parvenir à une modification de son état de conscience. Quels sont les moyens de libération (« thérapeutiques » ou « supra thérapeutiques ») pour y parvenir ? Dans mon roman, je note que Léopold S. Senghor utilise le terme de « surréel » pour qualifier ce qu'il est devenu d'usage courant d'appeler « spiritualité », sans qu'il s'agisse d'une référence directe à l'effet hypnotique des tambours africains, dans certains de leurs rythmes. Pas plus qu'il ne fait directement allusion au surréalisme (quoique le surréalisme trouva dans les cultures africaines une part de ses sujets d'inspiration.) Non plus à l'usage de drogues, bien qu'il n'y ait aucune culture traditionnelle qui omette son usage exceptionnel & initiatique, ponctuelle ou régulier.

La pratique du yoga, du zen, du Taiji etc. visent aussi une modification de la conscience en agissant sur l'attitude, la gestuelle et le mouvement du corps.

En résumé : affirmer que l'on est en désaccord (intellectuel, d'opinion intellectuel ou de refus émotionnel) avec la culture ambiante, l'idéologie dominante, etc. ne provoque aucune modification de conscience. Elle y invite et peut indirectement y conduire par un changement progressif de style de vie, mais nous sommes loin du Satori, d'une Illumination ou d'un puissant insight amenant un prise de conscience telle que cette dernière en soit modifiée.

Que dit Alan Watts sur cette question ?

La même chose, en substance, que la citation d'Aldous Huxley que j'aime utiliser : « Toute formule verbale – même une formule qui exprime correctement les faits – peut devenir, pour l'esprit qui la prend trop au sérieux et l'adore avec idolâtrie comme si elle était la réalité symbolisée par les mots, un obstacle sur la voie de l'expérience immédiate2. »

Aujourd'hui, je pondérerai en précisant bien que c'est l'esprit sachant, et/ou conscient, de faits qui ne doit pas se prendre trop au sérieux et non les faits eux-mêmes (ni l'état de conscience qu'on en a, lequel peut varier, peut-être même doit varier au long d'un cheminement).

En conséquence, en parallèle ou de façon concomitante – je ne sais trop quel mot convient, je crois qu'il faut se situer entre deux bords : une « culture livresque » des faits, du type « Qu'est-ce que le Zen ? Vas faire la vaisselle ! » (MAIS celui qui me dira que « ce n'est pas ça », ne fera que faire montre de culture livresque.) ET, d'autre part, la réalité vécue d'une érudition faisant obstacle à la culture vivante. Ce que je tente d'exprimer en pointant que « Notre-Dame de Paris » n'est pas seulement un bel édifice religieux de style gothique, cadre d'un roman de Victor Hugo et lieu d'une révélation pour Paul Claudel, etc. ; « Notre-Dame de Paris » est un cathédrale, située à Paris, où le public est admis. Il peut visiter ; il peut même y aller à la messe ! Inspiré des réflexions sur l'Art d'André Malraux, il peut même en ressortir en ayant appris qu'elle témoigne de la « conversion des chrétiens au Christianisme », la Cathédrale s'étant élevée du milieu du XII au milieu du XIVième siècle.

Affirmer que Notre-Dame de Paris est bel et bien à Paris, située à l'est de l’Île St. Louis, recouvre au moins deux sens, d'un symbole qui peut être réellement connu, comme chose & expérience personnelle ; d'un livre de pierre, qui raconte le passage triomphant à la suprématie du politique sur le religieux. Le rappeler nous ramène à l'ésotérisme d'un état d’Être à une identité socio-religieuse de chrétien. Et, logiquement, nous renvoie à la question de notre identité personnelle (intérieure) comme à celle de ses multiples identités culturelles régionales, linguistiques, politiques. Suis-je terrien, européen, français, basque, breton, corse ? Question très aisément transposable à chaque continents…

En spiritualité, on peut aisément vérifier comme une nouvelle réaffirmation du principe3 « Le message, c'est le médium ». Quand tel instigateur d'un courant, abusivement -parfois- qualifié de lignée, traite de son expérience Zen, en Chine, en Corée, en Inde4, aux USA ou au Japon, transmet-il une expérience spirituelle proposée en partage ou la communication de données culturelles chinoises, coréennes, etc. ? (Une fois de plus posée, la question de l'esprit et de la lettre, dont message-médium n'est que l'application technologique. On notera aussi que là où Mac Luhan parle de « village planétaire » des philosophes chinois contemporains disent « jardin planétaire », privilégiant « l'organique » esthétiquement ordonné mais ouvert aux aléas écologiques sur « le construit », de maisons fonctionnellement ordonnées à la protection contre les intempéries… et les gangsters !

Post-scriptum : Je rappelle que mes « billets » sont réellement des brouillons, des notes en vue d'un ouvrage que j'espère réellement écrire un jour. Il revient à ses visiteurs de les utiliser à ses propres fins, dans l'agencement (mental) de sa propre philosophie, en (pratique de) sa propre voie.

 

1À entendre comme l'un des nombreux sens donné au fameux xin xin ( ) du Xin xing ming (jap. Shin jin mei) ; sans sortir du sujet central de ces billets, Alan Watts disant en substance : allongez vous avec confiance sur le sol de la Terre, vous constaterez qu'elle est aussi réelle que vous. Elle ne va pas s'écrouler, s'anéantir à votre contact. Dans la ligne des diverses notations de mes derniers billets, en parallèle ou perpendiculaire (!), je suis tenté d'ajouter « allez vers l'objet de vos perceptions qu'il soit une corde ou un serpent & voyez et constatez » !

2Les portes de la Perception, Ed du Rocher, p 218

3cf. Mac Luhan

4« dhyana » - « zen » provenant de l'Inde et de la Perse ancienne...

7 septembre 2009

Introduction Générale

    Son oeuvre a connu un zone d’ombre, un purgatoire d’écrivain à l’exception de Bouddhisme zen, régulièrement réédité depuis 1960. La plupart de ses réflexions critiques, de ses études en philosophies comparées comme de ses présentations innovantes purent apparaître devenues sans objet : la Contre-Culture Américaine s’était fondue dans le mouvement New-Age, le Développement du Potentiel Humain et autres “néo-thérapies” ; les Églises Chrétiennes, semblât, s’étaient engagées dans une démarche oecuménique pleine de promesses, et assorti d’un renouveau liturgique très visible (Vatican II - 1962-1965) ; le Bouddhisme avait produit son effet de mode et le Zen était devenu un excellent argument publicitaire en divers domaines.
Force est aujourd’hui de constater que l’Église Romaine n’a pas beaucoup changé, que les “églises” bouddhiques sont loin d’être à l’abri des méfaits supposés ou avérés que l’on aurait voulu croire l’exclusivité du monothéisme occidental. Les préoccupations écologiques demeurent assez largement une fumisterie. En économie, les efforts dit de “développement durable” n’ont pas remédié à la détérioration des termes de l’échange économique entre pays riches et pays pauvres, ni aux guerres de prévention économique. En résumé, on avait un peu trop vite vendu la peau de l’ours...

Ses ouvrages conservent - à des titres divers(1) - toute leur importance, leur fraîcheur et leur actualité. Ils ne sont plus seulement des portes d’accès aux questions touchant les rapports Orient Occident ; ils sont des clefs pour la planétisation culturelle nécessaire au XXI°siècle. Alors que l’Inde et la Chine rappellent leur Puissance, Alan Watts peut nous aider à mieux nous comprendre “nous” afin de mieux les comprendre “eux”, et qu’à la mondialisation du commerce des marchandises terrestres corresponde un planétisation des esprits comme une bonne aperception de notre place humaine au sein de cette écologie planétaire. Et, face à l’American way of life en passe de devenir la World way of life, la critique qu’en fait Alan Watts et l’Art de vivre qu’il propose en devient d’une urgence dramatique en regard de ce terrible constat qu’une bonne moitié de l’humanité au moins en est exclue. “Plus les riches s’enrichissent et plus les pauvres s’appauvrissent” est un lieu commun qui a peu de chance de disparaître dans les prochaines décennies, cependant que les atteintes à l’environnement ne sauraient baisser de beaucoup. En résumé : outre que le “progrès” est loin d’être équitable et solidaire pour tous les humains de la planète Terre, il se révèle de plus en plus nocif pour ceux-là même à qui il était supposé bénéficier - et, sur ce point-là, “riches et pauvres” confondus.
Il est peut-être temps de préparer le retour des enfants-fleurs, leurs chants et leurs rires s’alternant au silence des méditants.
Il est également temps de bien voir que l’Orient et l’Occident ne se sont nullement rapprochés ; et que les valeurs orientales de portée pourtant universelle nous demeurent étrangères. Nous leur préférons ses folklores et ses fanfreluches - tant mentales que vestimentaires -quand ce n’est que nous considérons comme “si typiquement oriental” ce qui n’est en réalité qu’une résultante de l’empreinte de l’impérialisme colonial. Réciproquement, l’américanisation architecturale et routière de certaines villes et régions côtières de la Chine, ou la puissance économique de Singapour par exemple, ne constituent qu’une réalité d’abord journalistique. Mais, dans certains de ces “gratte-ciels”, et jusque dans les couloirs des états-majors militaires, diverses écoles “néo” néo-confucéennes(2) ou taoïstes prospèrent, avec l’accord du Pouvoir en place. Enfin, un point d’évidence n’est pas assez souligné, me semble-t-il : si certaines valeurs orientales sont universelles, elles sont également occidentales. Autrement dit, c’est dans l’approfondissement des racines de notre propre héritage que peut se comprendre celui d’Orient. Et, l’une de ces racines communes les plus fortes est terrienne, notre appartenance commune à une même planète en dépit de ses différences locales. Ces dernières tendent d’ailleurs à s’estomper sur tous les plans : faune et flore, épidemiologique aussi. L’import-export, tout au long du XX° Siècle, a été un processus d’accélération et de débordement de l’échange des seules valeurs marchandes. Nous importons exportons des bactéries, des plantes, des animaux, des humains autant que des idéologies ou des religions. Nous exportâmes, naguère, l’alcool chez les peaux-rouges américains, mais en importons désormais tous les dérivés du cannabis ou de l’opium. Nous eûmes jadis nos croisés chrétiens et nous découvrons aujourd’hui le djihad islamiste. L’Europe voulut évangéliser ou soviétiser le monde ; le Bouddhisme et l’Islam propagent désormais leurs divers messages au monde entier. Au plan général, ces questions ne peuvent plus rester l’apanage de cercles intellectuels plus ou moins restreints. Au plan local ou particulier, en chacun de nous, en chacun par rapport à son groupe, de son groupe par rapport à celui du voisin tout comme leurs relations différenciées à l’ensemble planétaire, ces questions sont appelées à devenir populaires. Populaire au sens où est entendue l’expression d’Astronomie Populaire. J’y  reviens dans un instant...

 

&

À définir le jour par absence de nuit, le Bouddha a bien défini le Bonheur par la “Cessation de la Souffrance”. Pourtant, de son Enseignement, comme des diverses doctrines bouddhistes, il est généralement retenu l’expression de “voies de libération”.

Selon ce Philosophe en liberté, la question de se changer soi-même tout comme celle de changer le monde est hors de propos, “irrelevent” comme disent les juristes anglo-saxons lors de procès. Car, si la folie des idéologies prétendant changer la vie n’est plus à démontrer, la part de chacun qui veut changer sa nature propre est également vaine et vouée à la faillite. “L’illumination, disait-il, c’est d’abord la liberté d’accepter le raté que l’on est… En dehors de cette acceptation, toute tentative de discipline morale ou spirituelle demeure le combat stérile d’un esprit scindé et de mauvaise foi.(3) ”

&

Alan Watts est le seul auteur (à succès) qui ait véritablement formulé les problèmes que posent les rapports Orient Occident, et ceux de cet œcuménisme total auquel il aspirait tellement - un oecuménisme s’incluant lui-même tout logiquement et naturellement dans une écologie globale.

Il était entré très tôt en contact avec la pensée orientale, tout en ayant une excellente formation théologique et philosophique. Et ensuite, pendant trois ans, il a pu se frotter directement au Zen, en vivant dans l’intimité du Vénérable Sokei-an Sasaki, fondateur du Zen Institute of America,   comme dans celle de sa propre belle-mère,
Ruth Fuller Sasaki -elle même spécialiste du Rinzai. 

Son oeuvre a connu une zone d’ombre, un purgatoire d’écrivain à l’exception de Bouddhisme zen, régulièrement re-édité depuis 1960. La plupart de ses réflexions critiques, de ses études en philosophies comparées comme de ses présentations innovantes purent apparaitre devenues sans objet : la Contre-CultureContre-Culture Américaine s’était fondue dans le mouvement New Age, le Développement du Potentiel Humain et autres “néo-thérapies” ; les Églises Chrétiennes, sembla-t-il, s’étaient engagées dans une démarche oecuménique pleine de promesses, et assorti d’un renouveau liturgique très visible (Vatican II - 1962-1965) ; le Bouddhisme avait produit son effet de mode et le Zen était devenu un excellent argument publicitaire en divers domaines. Mais, des maitres authentiques étaient venus d’Orient et avaient assuré une certaine (réelle) transmission, etc.
Force est aujourd’hui de constater que l’Église Romaine n’a pas beaucoup changé, que les “églises” bouddhiques sont loin d’être à l’abri des méfaits supposés ou avérés que l’on aurait voulu croire l’exclusivité du monothéisme occidental. Les préoccupations écologiques demeurent assez largement une fumisterie. En économie, les efforts dits de “développement durable” n’ont pas remédié à la détérioration des termes de l’échange économique entre pays riches et pays pauvres.

 

Avant de faire valoir ce que j’entends par “taoïsme écologique”, j’ai ainsi tenu à présenter quelques pièces du dossier de sa vie et de son oeuvre telles qu’il est actuellement permis de les relire et d’en faire bon usage.

La philosophie dont il sera question ici se voudrait donc le reflet populaire de cette Philosophia Perennis dont on pourrait peut-être dire qu’Alan Watts fut un animateur et bateleur, un shaman et grand prêtre californien - mais “populaire” au sens où Flammarion écrivit une Astronomie Populaire (1880) qui conserve toute sa valeur et sa fraicheur. Et qui, du reste, constitue une excellente base pour aborder et saisir le caractère révolutionnaire de “choses” comme la vulgarisation de la physique quantique. Comprendre l’utilité pratique de cette Tradition –et la diffuser dans la Culture du XXI° Siècle, en faire la divulgation plus que la vulgarisation -, c’est assimiler la “transversalité” de son oeuvre, d’une part au sens d’interdisciplinarité et d’autre part de translittération de concepts orientaux en Occident et de concepts occidentaux en Orient. Or, c’est bien la vulgarisation de cette “transversalité” qui représente l’intérêt majeur des réflexions d’Alan Watts. Peut-être est-il permis de faire un autre rapprochement entre l’Astronomie Populaire et une anthropologie philosophique qui deviendrait vraiment populaire : quand un astronome amateur et un savant regardent vers le ciel un phénomène quelconque, ils regardent dans la même direction. Observation à l’oeil nu, à la jumelle, avec une petite lunette ou avec un télescope géant, il peut y avoir une différence considérable de niveaux d’observation mais il y a le partage d’une même orientation vers un même objet de la recherche. Dans les diverses sciences humaines et les philosophies entre elles, l’homme de la rue et le spécialiste ne parlent jamais de la même chose. Et, personne ne parait savoir de quelle “planète”, ni de quel “humanité” il est question...

Alan ne fut pas seulement un “précurseur”. Même noyé en “génial précurseur”, cette appréciation est insuffisante à rendre compte de la démarche intérieure tout comme d’ailleurs de son message réel. C’est bien sûr affaire de gout, je n’apprécie pas beaucoup plus l’image de « jeteur de ponts » entre les traditions : après un brin de causette avec celui d’à côté ou d’en face, on revient sur les positions de sa propre rive. C’est même ce à quoi se réduit l’oecuménisme comme le dialogue interreligieux de ces dernières années (World Parliament of Religions, alias “World’s Religions Congres, et Unesco exceptés - dont on peut regretter que les travaux comme les actions sont bien loin d’être populaires(4) ).
La démarche que je voudrais faire valoir est sa volonté de populariser la Tradition et de le faire par des méthodes que l’on qualifie désormais, selon les angles de vue, de “complexes”, “transversales”, “comparatistes” ou “transdisciplinairestransdisciplinaires”. Il fut un précurseur dans la popularisation de divers thèmes liturgiques, de théologie mystique, de psychologie moderne, d’indologie ou de sinologie.Ses assertions gardent leur valeur, peuvent servir de « cours introductif » dans ces divers domaines, et chacun selon son inclinaison peut en tirer parti en allant plus loin dans sa pratique religieuse, psychothérapeutique, yoguique ou taoïste. Ce faisant, le message de la Tradition risque de se perdre au profit d’une abondance d’informations sur les formes d’enveloppe qu’il peut prendre. D’où la nécessité d’un retour à l’essentiel par l’accord minima sur l’usage d’une méditation sans “objet”...

A le dire en termes non techniques, le parcours d’Alan Watts pourrait s’exprimer ainsi : Chercher la Paix mondiale ne peut se faire sans la paix entre nations - la paix entre nations ne peut se faire sans compréhension bienveillante de sa propre culture - toute culture se pose par rapport à la nature et tout ce qui est « autre » que son « moi-je », à commencer par la culture de « l’autre » en tant qu’autre « moi-je » que le mien – moi et l’autre nous sommes en quête d’harmonie avec la nature et les autres vivants, donc de paix avec soi-même aussi bien qu’avec le monde. Et réciproquement. Ce refus de la « réciproque du vrai » est sans doute le plus grand obstacle épistémologique à la Paix intérieure comme à la Paix mondiale(5) .

Dit plus crument : si le Grand Tao est chinois, il ne saurait être universel ; s’il est universel, il ne saurait être chinois. L’étude de quelques concepts « taoïstes » n’a d’importance « populaire » qu’en ce qu’ils sont l’occasion de redécouvrir des réalités et des modes d’approche du Réel que l’Occident a oublié ou négligé depuis l’apparition du Monde dit “Moderne”.

13 avril 2021

Alan Watts reçoit Madame Corona, 9

Alan Watts reçoit Madame Corona, 9

L’un des effets paradoxaux de la visite de Madame Corona est l’actualisation permanente et l’intensification d’un désir, qui demeurait mêlé, presque caché, au milieu de choses que j’aimerais connaître encore en mon Quatrième Age (ashrama, ou stade, étape) de vie. Le désir était là, nullement refoulé, mais regardé tel un surcroît, un fruit sur le gâteau. Il semble bien vouloir devenir un besoin fondamental. Mes devoirs et nécessités de sadhaka (chercheur spirituel, philosophe, zeniste, contemplatif…… encore une fois : qu’importe les étiquettes, pourvu que ce soit le même flacon et qu’il conserve bien la même liqueur.).gardant sa priorité et/ou suprématie. L’aspect hiérarchique est plus théorique qu’autre chose.

Je ne sors pas beaucoup du sujet : Alan Watts n’a jamais pu rester longtemps sans compagne. Lors de sa période de tombeur frénétique, il n’était jamais satisfait du seul apaisement sensuel. Ce qui explique son exceptionnelle passion pour Mary Jane, « Jano », sa quatrième et dernière épouse. Elle lui donna tout ce qu’il attendait, pas toujours en en mesurant l’exacte portée.

Arnaud Desjardins, voici une cinquantaine d’années, s’avérant du véritable ressort de ma problématique, m’offrit deux photos tirées de ses films sur le Zen Soto : on y montre un couple de moine-moniale en za-zen, dans la véranda de leur petite maison.

Ce sont d’indubitables porteurs de mon existence. En quoi l’age venant en deviendrait-il caduques ? En quoi, précisément?

Quel aspect symbolique serait à retenir, dans mon cas ?

(À suivre… se vouloir artisan en tant qu’écrivain...).

11 juillet 2021

Calepin Alan Watts 0003

Calepin Alan Watts 0003

11//07/21

Mon Bon Vieux Calepin Alan Watts n° 0003

Ma vie ; qu'en faire ? N° 0003

 

 

«Penser à… n’est pas nécessairement se souvenir, ce n’est pas non plus se remémorer mais veut dire dire tenir devant soi (quelque chose), un « étant », et à vrai dire même lorsque, et précisément lorsque cet « étant » est absent, c’est as donné corporellement dans le présent immédiat ; ou, ce qui veut donc dire la même chose : se tenir un « étant » présent devant soi-même alors même qu’on n’est plus soi-même présent auprès de « l’étant » en question » Heidegger, cité p 35 de Denise Desjardins Le Réel et nous, La Table Ronde 2002.

&

A l’intérieur d’un paysage à peindre, il n’y a pas de jugements de valeurs morales mais la prise en compte des rapports entre les différentes formes des objets. Ce qui importe est le résultat global dans son effet esthétique, qui ne relève pas de la géométrie objective et de l’interprétation de l’œil spectateur.

&

A partir du prochain billet, un stricte respect de la logique surréaliste aléatoire sera appliqué : les notes et documents seront mis en ligne au fur et à mesure que ma main s’en saisira. Seuls mes éventuels commentaires seront du jour comme mes possibles dernières nouvelles…

 

 

3 août 2021

Calepin Alan Watts 0005

Calepin Alan Watts 0005

02//07/21

Mon Bon Vieux Calepin Alan Watts n° 0005

Ma vie ; qu'en faire ? N° 0005

 

Bernard Pivot ; de l’académie Goncourt

mais la vie continue, Albin Michel, 2021

Jean-Pierre Le Goff

La société malade, Les essais Stock, 2021

Edgar Morin

Leçons d’un siècle de vie, Denoël, 2021

=> comme lectures de détente pour ce mois d’Août.

 

Je relis diverses choses relatives au Dao/tao, car je tiens à ce que l’assise de départ de mon Calepin soit solide et assez admissible académiquement.

En vue de cet automne hiver, je m’approvisionne aussi en polars, d’un style et d’inspiration inhabituels pour moi.

 

19 août 2017

Apprentissage en philosophie 4/5

Que j’y tienne beaucoup est exceptionnel : respecter le « calendrier » fixé. Pour y parvenir, je vais devoir raccourcir mes billets & aller directement à l’essentiel de mon idée.

Pour déblayer un peu :

== Pas une ascèse délibérée et programmée, mais art d’une vie austère, c’est-à-dire

conviviale (=maître/libre de ses outils), déscolarisée (dé-scholastiquée=>indépendante de

toute école/idéologie précise), économique (loi du moindre effort=>dépenser le moins

d’énergie possible dans tout acte/action/production/fabrication ; aller au plus proche et

direct dans l’échange de biens et de savoirs.

== Comprendre et admettre le rapport argent-richesse, idem pour vitesse-temps, et

temps-durée, trajet-voyage,

== Conscience de soi mais de constat et non pas de tentation du contrôle (Alan Watts en disait que la part de nous-mêmes, qui voudrait changer les attributs de ses états de conscience, est justement celle qu’il faudrait changer – dans l’idéal, si celui-ci était possible!)

== Conscience politique mais refus d’engagement réduit à la sphère politique, encore moins aux œillères d’un parti basé sur une idéologie spécifique. (= militer, c’est se limiter)

Dans la nature, existent des enceintes/poches/zone nommées (ville). Ses valeurs devraient suivre celles de la nature ; mais, force est de constater qu’il n’y a de « nature » qu’en raison de l’existence urbaine. (Ici, la différence Orient et Occident est intéressante : les uns choisissent et aménagent un site, puis y construisent des abris – qui peuvent des palais ; les autres bâtissent des forteresses et châteaux puis agencent, à l’explosif si besoin est, leur environnement.)

 

5 décembre 2017

Fermeture de ce blog, 1/3

Depuis 2009, dans ce blog, j’entendais réunir le maximum d’éléments divers en vue de « construire ma philosophie ». La particularité de ces dits « éléments » étaient la possibilité d’utilisation par d’autres pour construire, ou aider, à leurs propres philosophies. J’ai mentionné ou indiquer le lien de tout texte en rapport avec Alan Watts, sans faire de différence entre ce qui me plaisait et ce qui me déplaisait. A titre d’exercice, lorsque j’entamais un billet, j’allais jusqu’au bout, même lorsqu’il était évident que j’étais entré dans une impasse. Philosopher, c’est aussi être en recherche, « en exploration » et la mener jusqu’au mur.

Évidemment, ne pas vouloir donner de leçons, à quiconque, j’ai été insuffisant sur un thème central de la philosophie d’Alan Watts : à quoi sert de lire les menus, si l’on ne les mange pas les repas indiqués ; et/ou, à quoi sert de collectionner les recettes, voire les livres de recettes, si l’on ne passe jamais derrière les fourneaux ?

Plus encore, dans ce qui en dérive, je n’ai pas suffisamment dit que les grandes toques sont l’exception, mais que manger à sa faim et, autant que faire se peut, à la pleine, complète et entière satisfaction de ses papilles gustatives – et tout ce qui peut bien aller avec, telle que l’amitié de convives, est proposé à tous.

Fassent les dieux, de tous les cieux, que je ne néglige pas cet aspect dans mes Variations wattsiennes.

Pour assurer la transition, je voudrais dire, par commodité, depuis longtemps, j’ai dégagé les quarante « items » de l’existence et de la pensée d’Alan Watts, lesquels pourraient aisément se dédoubler de leurs compléments ou opposés, ou encore connexes. Totalisons : entre 80 ou 12O éléments majeurs, ça vous donne « Alan Watts, tel qu’en lui-même en ses taos du Tao » (sa propre manière de vivre le mouvement de La Voie).

Les besoins de connexion entre ce blog et le suivant peuvent toutefois se limiter à six thèmes, parmi lesquels j’ai choisi celui qui constituera le fer de lance, ou, pour prendre une image moins guerrière, la colonne vertébrale de ma réflexion : La Paix sur Terre.

 

La vie d’Alan Watts se partage en quatre grandes parties :

la jeunesse anglaise

— l’arrivée à New-York

— l’Université Northwestern

— San Francisco

Mais, il s’avère indispensable de subdiviser la première et la quatrième en deux.

La période anglaise entre Zen et la relation à son Maître spirituel.

La période franciscaine entre péniche SS Vallejo, d’où il connaîtra les sommets de sa notoriété ; et les Monts Tamalpais, ces montagnes sacrés sur lesquelles il achèvera son cheminement «en sa propre voie ».

J’ai remarqué que chacune de ces parts d’itinéraire spirituel suscite ses « fans » comme ses « étudiants » qu’ils soient en admiration ou en désapprobation – et parfois directement de condamnation !

Je reviendrai sur l’ensemble de ces « items », dans telle ou telle de mes Variations.

Pour clôturer ce blog et faire transition, je voudrais simplement dire que mon « item », à moi, suit le regret d’Alan Watts lui-même au sujet de l’oubli des vains efforts que fit son Maître, Dimitrije Mitrinovic (ou, Mitriénovic), pour empêcher la Seconde Guerre Mondiale. (Personne ne voulut l’entendre, et surtout pas certaines personnalités d’Orient, qui, faute d’informations complètes, regardaient avec indulgence ou sympathie le fascisme et le nazisme1.) Cette douloureuse déception du jeune Alan n’est pas pour rien dans sa décision de quitter l’Angleterre, au moment même où il devenait discernable pour tous que la guerre était devenue inéluctable.

À suivre 2/3 et 3/3

PS – Je clos ce blog mais ne le supprime pas – et si je glanais une information toute nouvelle sur ou autour d’Alan Watts, c’est ici que j’en retransmettrais la teneur.

 

 

1Pour comprendre cette attitude, il faut rappeler que jusqu’en 1937 au moins, Mussolini aimait se faire filmer en train de participer aux moissons et que certaines photos de propagande nazie représentaient des rangs de jeunes soldats torses nus une bêche à l’épaule et non pas un fusil. Cet aspect pro-nature, ou du moins « campagnard », ne pouvait que plaire à tout orientalisant et tout oriental opposé aux conséquences sociales de l’urbanisation et de l’industrialisation à outrance. Cette image fleur-bleue fut nuisible à la gnose et « l’ésotérisme » mal compris. En France, ce type d’attitude est jugé d’autant plus sévèrement que le régime de Vichy et la collaboration reprirent ces thèmes – sans prendre en considération que les fusils avaient remplacés les bêches et les obusiers les moissonneuses. On ne peut que noter que cette vision idyllique de l’Orient (souvent opposée à nos sinistres guerres de religion, inquisitions et répressions comportementales bornées & stupide) n’a pas disparue de nos mentalités, induisant des sympathies fantasmatiques de mauvais aloi.

20 juin 2018

Alan Watts & le sens des mots - 00

Devoir des Vacs d’Été 18 – 00

 

Je ne sais plus où, Alan Watts se plaignit de constater que nombre de ses étudiants, inclus ceux qui participaient à ses séminaires privés ne saisissaient pas d’emblée qu’un mot n’a aucun sens par lui-même – avant même d’envisager son/ses contextes de lieux et temps.

Plus tard dans l’Été, je reviendrai sur ces questions contextuelles.

Mais, je commencerai par la constatation qu’aucun mot n’a aucun sens du tout par lui-même.

Nous avons les mots qui sont inséparables de leur contraire : le jour sans la nuit, et réciproquement, par exemple. J’y reviendrai probablement aussi.

Pour commencer, je voudrais partir d’un point de vue minimal de l’appartenance d’un mot isolé.

Non pas en tant que catégorie disciplinaire : débrayage > terme de mécanique ;

fig = synonyme d’arrêt

Allons sur le site du CNRTL, à l’entrée bateau.

Nous trouvons : « ouvrage flottant » (ce qui me suffit dans le cadre de ce billet)

Puis, une trentaine ou une cinquantaine d’usage analogique ou comme image/figuré. Je les laisse de côté pour le moment.

Pour le moment, voyons la chose en tant que perception « de l’intérieur » de l’absurdité/incompréhension d’un mot.

Qu’est-ce que l’océan pour un touareg ?

Mais aussi :

Qu’est-ce qu’un bateau sans océan pour y voguer ?

Qui inclut que l’on veuille se déplacer sur l’eau (au risque de se noyer!), dans un but quelconque (donc un mobile, une volonté ou une contrainte).

Nota ; l’idée d’écrire (en chantier ouvert comme pour le reste de ce blog <=> en rectifiant mes erreurs s’il y a lieu mais jamais en me corrigeant ; c’est une recherche d’idées, pas des idées toutes faites)

l’idée d'une rechercher sur le sens existentiel du mot m’est venue en constatant de certains croient que « Samsara Est Nirvana » et que ça puisse expliquer quelque chose ou servir à quelque chose dans la vie d’un chercheur spirituel ou la vie philosophique indépendante de toute institution académique – ou contre-académique du reste.

La première association d’idées est immanquablement : si Samssara Est Nirvana, pourquoi donc chercher un hypothétique Nirvana ?

Samsara + un solide compte en banque = le plus grand des bonheurs possibles. Et n’en parlons plus.

 

22 août 2020

Alan Watts reçoit Madame Corona, 2

Alan Watts reçoit Madame Corona – 000, 2

22/08/2020 

En début de cette année, mon idée pour cette introduction ou réintroduction à ce blog sur la Philosophie d’Alan Watts était de rectifier la manière un peu cavalière dont je l’avais quittée. D’un autre côté, je renvoyais à des auteurs bien connus mais « populaires », donc à des philosophies « populaires » au sens où Camille Flammarion écrivit sa toujours fameuse Astronomie Populaire.

Encore un thème qu’il me faudra bien aborder : l’opposition populaire et savant, vulgaire et érudit, etc.

Alan Watts, parfois même à contrecœur, est reconnu pour la valeur et la pertinence de ses vulgarisations. (Son succès y rajoute une dose variable de jalousie.) La richesse de ses présentations permet que chacun peut y puiser des choses fort différentes, selon ses besoins personnels ou selon ceux du moment et de sa situation. Malheureusement, cette richesse facilite la confusion, « bonne et mauvaise forme » dirait peut-être Watts, qui puisa largement dans les théories gestalt, est d’oublier que les audaces dans l’inventivité ses présentations portent EXCLUSIVEMENT sur celles-ci. En d’autres termes, qu’il déclara lui-même : « mes vingts livres [rédigés] portent sur un seul sujet» et [je ne me souviens plus des termes exacts] mais mon succès tient beaucoup de ce que j’ai été mal compris. C’est dire aussi que son seul et unique ouvrage majeur, à faire entrer au Patrimoine Unesco absolument, est « Nonsense », E.P. Durton, New-York, lequel – en style USA – tient des propos pires que smurf, qu’en français nous disons schtroumpf. Une manière de Zen schtroumpfant, ou de pratique ordinaire du Zen chez les schtroumpfs.

&

J’y pensais en ce début d’année 2020, à moins que ce ne soit en novembre ou décembre de l’année 2019 : rappeler le sens profond du non-sens de la philosophia schtroumpf-ennis. On voit aussitôt l’impossibilité d’une telle prétention (spécialement pour quelqu’un tel que moi, qui a écrit noir sur blanc : « surtout pas [la prétention] de la fidélité. Elle serait le moyen le plus approprié pour la trahir. La philosophie d’Alan Watts, chacun doit la reprendre pour son propre compte. Ou se laisser porter par elle, flotter avec elle. »

Problème, le moins grave mais le plus agaçant pour moi : l’impression de jouer les vieilles barbiches gourmandant la turbulence de jeunes dents avides d’autres nourritures que celles de la consommation. En Dao, on débute avec un esprit de vieux et on meurt en pleine jeunesse de cœur. J’aime à le répéter en le mettant à n’importe quelle sauce « sans quitter le seuil de sa porte, connaître le monde 1» car « sur la Voie, le premier pas est le dernier ».

&

Pour contourner, ou court-circuiter ces inconvénients, j’ai décidé de directement replonger jusqu’au moment décisif de ma rencontre spirituelle d’Alan Watts, en 1965/66. Dès l’année suivante, j’en préciserai certains détails, mon existence en a été complètement et radicalement changée. En racontant la vie et l’évolution de la pensée d’Alan Watts, c’est moi-je (ahamkar) qui parle.

(J’ai essuyé ensuite des vents contraires, mais c’est une autre affaire – que je raconte dans un mixage d’essai et de roman historique, terminé depuis quelques semaines à peine.)

Précision : les deux thèmes majeures qui conduiront mon exposé-narration sont : la Tradition (pas seulement d’opinion ou de lectures, mais existentiellement vécu) et la Paix (telle qu’elle peut se préparer, quand la politique ne s’en mêle pas).

A mes visiteurs philosophant, je mets en garde contre mon habitude de traiter en trois temps. Ce ne sont pas des temps de thèse et antithèse, puis synthèse. De ma part, c’est pure snobinardise spatiale zen : tout ce qui est beau est de chiffre impair. Sinon nous demeurons à l’état statique du dualisme, quand le Tao, le Chan, le Zen… est mouvement.

 

 

1C’est dans Laozi avant d’être dans Liezi, trop souvent traité de « rebelle égoïste »...

4 avril 2021

Nos projets et ceux de Madame Corona

 

 

Mon projet de fin de vie.

(Alan Watts et Madame Corona ne peuvent évidemment être d’un total accord sur ce sujet.

Moi non plus

Mon projet de jardin se voudrait un poème&peinture d' Avant Mourir en trois dimensions…

&

"Que faisons-nous sur terre ? A l'exception de quelques simples d'esprit, personne ne semble réaliser que vivre c'est sentir le parfum des fleurs, écouter la mer, regarder les arbres frissonner dans le vent, escalader les montagnes, manger du pâté en croute, boire du vin de Malvoisie et caresser une jolie femme. Et pourtant, cela ne coûte pas cher à côté de ces milliards engloutis pour les dépenses du Royaume, la Puissance et la Gloire.
(...)

Voltaire disait sagement qu'il faut cultiver son jardin. Nous payons des fermiers pour ne pas travailler, ni même récolter. Nous n'aimons pas les légumes, les plantes, tout ce monde vivant : il nous paraît au-dessus de notre dignité d'en jouir, hypnotisés que nous sommes par l'érection des boites rectilignes.

Une longue pratique de la méditation empruntée au yoga et au bouddhisme zen m'a permis de comprendre qu'il n'y avait rien de dégradant à se servir de ses mains. (...) Pommiers, rangées de laitues, carrés d'herbe, buissons de haricots ou plantations de pomme de terre, peuvent vous apporter un plaisir, érotique et mystique, d'une intensité insoupçonnable et admirable. (...)

Je vais vous dire ce que je veux, et ce qui me satisfait. Je veux passer ma vie à méditer dans le silence, marcher lentement, éprouver le sens fondamental de l'existence dans l'émerveillement, surprendre tous les sons, sentir les nuages et les étoiles me caresser les yeux. Je veux bannir l'angoisse, la tourner en dérision, saisir la vie et la mort comme deux faces indissociables d'une même médaille. Je veux une compagne qui tour à tour m'obéisse et me contredise, m'admire et me surpasse, se fonde en moi et lutte contre moi. Je veux ... écouter aussi celui qui vient m'apprendre ce que j'ignore, avec une curiosité sans ennui. Je veux regarder dans l'eau les reflets de la lumière et les ondes du vent, pays des mouettes, des pélicans, des goélands, des flamands et des canards sauvages. Je veux m'asseoir sur un rocher lointain ou sur une plage déserte, entendre les vagues et regarder le ciel de l'Ouest que vient laver l'aurore. Je veux décocher des flèches si haut dans le ciel qu'elles deviennent oiseaux. Je veux contempler les montagnes, errer dans leurs vallons et leurs forêts, percevoir au crépuscule d'invisibles cascades. (...)

Je veux aller dans ma grande cuisine chatoyante de couleurs essayer une nouvelle soupe ou un nouveau ragoût, cuire le poisson à la vapeur ...

Aussi terre à terre que cela puisse paraître, c'est là tout le paradis que je me souhaite. (...)"
Alan Watts

&

禅 园 Directement ou indirectement, il m’a été souvent demandé ces derniers temps, d’où me venait cette idée de “yuan” et pourquoi cette “idée” m’est devenue presque aussi précieuse que ma vie même.
Concernant l’idéogramme proprement dit et même le mot, c’est simple, clair et net : de la récente lecture du livre Un jardin de lettré*.
Et, je suis toujours en recherche d’une expression chinoise qui soit expressive pour un occidental, tout en étant recevable et clairement comprise par un chinois.
A titre provisoire, j’ai adopté l’expression “Chanyuän”
禅 园 , que je traduis par « Jardin de Contemplation », mais, qui peut tout aussi bien se traduire par Contemplation (dans) le jardin. Ce que je désire exprimer n’en serait pas altéré. Par contre, il est de la plus haute importance que “Chan” soit rendu par contemplation, car la contemplation aussi bien bouddhiste que taoïste (voire néo-confucéenne), est précisément l’alliance harmonieuse de la méditation et de la compassion. Car, cette alliance est une réponse à la double et néanmoins similaire question : Comment puis-je aimer et aider l’autre si je ne me connais pas moi-même ? Comment puis-je prétendre aimer et aider l’autre si je ne comprends pas qu’il est aussi moi que moi-même ?

四合院 sìhéyuàn, signifie simplement une maison à cour intérieure, comme il y en a en France, et indique un retranchement du monde extérieur, une zone privative, voire défensive, par rapport à l’espace commun. On pourrait presque dire que c’est l’inverse : le “yuän” taoïste est une ouverture sur le monde naturel, sur l’environnement. La cabane qui y est bâti est un abri. Il va sans dire que lorsque c’est l’Empereur qui se pique de jouer les écolos, le dit “abri” peut se transformer en véritable palais, mais la structure architecturale d’ouverture et de relation écologique est maintenu. Voilà pour le vocabulaire.

Quant à yuan

Il s'agit du principe, de ce qui vient en premier. (le même entre dans la composition de "n°1" du parti, dans "fondateur", etc.
Dans le contexte de ce site, ce "principe" est la Nature même, à laquelle va s'agréger la Culture, l'acte culturel de jardiner, ici dans un but d'agrément esthétique et spirituel.
Cette manière d'entourer la nature, qui correspond bien à la première démarche d'un jardin à la chinoise ("habiter" conviendrait aussi) l s'agit du principe, de ce qui vient en premier. (le même entre dans la composition de "n°1" du parti, dans "fondateur", etc.
Dans le contexte de ce site, ce "principe" est la Nature même, à laquelle va s'agréger la Culture, l'acte culturel de jardiner, ici dans un but d'agrément esthétique et spirituel.
Cette manière d'entourer la nature, qui correspond bien à la première démarche d'un jardin à la chinoise ("habiter" conviendrait aussi)

pairi daiza signifiant jardin clôturé

= = =

* Antoine Marcel, Ed. Alternatives.

8 novembre 2011

Le Livre de la Sagesse (1/5) intro

 

On se fait toujours une idée des choses. L'idée que je me suis fait que ces choses qu'on appelle philosophie et sagesse, ou l'homme et la sagesse en sa philosophie remonte à loin : à Diogène de Sinoppe (-413-327) en son "tonneau", que je découvris dans un Illustré. Je ne me souviens plus si ce fut dans le magazine Tintin ou dans le magazine Spirou, mais je garde une image très nette d'un homme vautré dans une grande jarre et demandant à l'Empereur de s'écarter du soleil.

Il se trouve que certaines bonnes âmes faisaient à Alan Watts le reproche de corrompre les jeunes de Frisco pour les mêmes raisons que l'on eut l'occasion d'accuser Diogène de corrompre la jeunesse d'Athènes : son franc-parler, sa mise débraillé, la dissolution de ses mœurs, son excentrisme provocateur, sa rhétorique trop aiguë pour les oreilles habituées aux expressions bien-pensantes.

On peut se demander dans quel sens vient l'une de l'autre de l'autre : est-ce en raison de cette image, ou de cette idée, -"nama-rupa"- que j'ai été immédiatement séduit par celles d'Alan Watts ? Ou bien, ne parvenant pas à trouver en Occident un philosophe antique ou classique auquel je puisse honorablement associer Watts, juste pour le situer, comme ça, sans plus ? Je parle ici du Watts de la seconde période et non ce digne professeur que Kerouac montre en smoking dans ses fameux "Clochards du Dharma" (devenus "célestes" en traduction française) - digne mais conversant avec un couple de nudistes. Ce qui est déjà moins habituel pour un universitaire.

Le point que je veux relever est l'image "contestatrice" d'un philosophe antique jugeant les rayons du soleil de plus grand prix que celui des faveurs d'un Empereur (Alexandre le grand) venu le consulter. (On retrouve une idée similaire dans le Zhuang-zi -sinon que dans ce dernier ce ne sont que des envoyés de l'Empereur).

C'était un homme qui conformait ses dires à ses pensées, et faisait ce qu'il disait. Et, nombre de ses critiques de la Cité d'Athènes peuvent s'appliquer au Monde Moderne, à l'état d'esprit dominant dans le monde du XXI° siècle dit "moderne"1 : la compétition sociale, l'appétit des honneurs mais non le respect du sens de l'Honneur2, l'aliénation citadine de l'esprit de nature comme de spontanéité, etc. Je ne parle de tout cela qu'en cette question ci : comment placer les unes par rapport aux autres ces idées de sagesse (& philosophie), de pression sociale (& aliénation), d'illusion (& maya, nama-rupa), et ce qui en serait le contraire ou le dépassement : une idée de paradis.

&

Le paradis comme retour au monde adamique, au jardin d’Éden, ou comme bonheur terrestre ou élan vers l'à venir d'un monde meilleur peut être inscrit ou orné du sceau de la sagesse.

Watts y observait que "vivre c'est sentir le parfum des fleurs, écouter la mer, regarder les arbres frissonner dans le vent, escalader les montagnes, manger du pâté, boire du vin, caresser une jolie femme, cultiver son jardin, se servir de ses mains, méditer dans le silence, marcher lentement, éprouver le sens fondamental de l'existence dans l'émerveillement, surprendre tous les sons, sentir les nuages et les étoiles me caresser les yeux." J'y reviendrai pour replacer ces expressions dans leur contexte.

Mais, je viens d'un petit tour de surf sur Wiki, qui souligne l'idée étymologiquement marquée d'accroissement, s'accroître, octroie qui fait que, etc. et que l'on peut construire : que le fait de s'accroître provoque en lui-même l'accumulation des satisfactions, ce qui le mène au bonheur.

Certaines citations ou présentations m'ont ennuyé.

 

Deux m'ont sauté aux yeux et rejoint le cœur :

 

- « Ou bien, pour m'expliquer sur ce sujet d'une façon plus simple encore, il y a un degré d'insomnie, de rumination, de sens historique qui nuit à l'être vivant et finit par l'anéantir, qu'il s'agisse d'un homme, d'un peuple ou d'une civilisation. » (Nietzsche, Considérations inactuelles, II, 1874) Mais, l'ensemble de la citation faite laisserait penser qu'il s'agit d'un texte de présentation philosophique du Chan/Zen. Quelque chose comme une manière de dire clairement les choses tout en prenant garde de ne effaroucher le lecteur.

- Celle d’Épicure : Le bonheur est le "plaisir en repos" de l'âme (sérénité) qui naît spontanément de la satisfaction des désirs naturels et nécessaires, dont les deux plus importants sont, outre la sécurité et la santé, la sagesse et l'amitié. Mais, nous dit-il, "Il est impossible d'être heureux sans être sage"...

Entre stoïcisme, hédonisme (& ebodonisme bouddhique, pour reprendre l'expression de SC Kohn3), épicurisme et Diogène ou Watts, il y a beaucoup plus de convergences que de différences.

 

 

1Quoique pouvant me ranger moi-même socio-économiquement dans la catégorie des pauvres, tout est relatif : je ne souffre pas de la faim contrairement à nombre d'autres êtres humains et Alan Watts, quoique généreux, était riche.

2Quand on lit que Diogène se promena en plein jour avec une lanterne "cherchant un homme ayant gardé sa superbe", on peut remplacer "superbe" par "honneur"...

3On peut noter au passage sa définition "réceptive" et "active" de la contemplation zen comme Bonheur-Liberté.

 

18 janvier 2012

Le Livre de la Sagesse (3/5)

(Petite note de transition & d'entrée en 2012)

Qui visiterait ce blog en cours de route risquerait, m'a-t-on fait remarquer, de ne plus retrouver "son Watts" -s'il en a déjà lu quelques livres, ou bien de se faire une idée totalement fausse de son œuvre -s'il ne l'a découverte que très récemment. Watts n'a jamais utilisé l'expression d'Apophatique générale, a écrit sur bien d'autres sujets que le seul Taoïsme ou que le "Taoïsme chan". Enfin, m'a-t-on dit, un visiteur ingénu ou peu averti serait en droit de penser que je passe un peu trop facilement du coq à l’âne, abordant des questions que ne traita nullement Alan Watts ou sans rapport avec le contexte culturel californien (qui fut la "Côte d'Azur" du nouveau défroqué de l'Anglicanisme américain, l’Église épiscopalienne). J'avais en tête de faire le point sur ces points qu'au Printemps ou à l’Été prochains.

Mais, je puis tout de suite en dire, ou redire, voire prédire quelques mots :

- je suis heureux et comme flatté que ce blog soit en lien avec Wikipedia. Et, c'est un fait, à l'occasion de mes billets, je puis être amené à fournir des informations rigoureusement objectives et vérifiés sur la vie ou l’œuvre d'Alan Watts, mais étudier Watts, c'est s'étudier soi-même. Je traite donc de "moi-je" dans ses réflexions comme dans sa vie. Au lecteur/visiteur de faire la transposition en sa propre voie (du moins s'il ne considère pas la pensée d'Alan comme un simple objet de discussion de salon ou de dissertation philosophique). J'avais comme voulu que Watts soit rangé sur Wikipedia dans la page "Taoïsme" et son existence s'est terminée alors qu'il écrivait à nouveau sur l'approche de cette notion à la fois "typiquement chinoise" et universelle de Tao (dao) - c'est un fait.

Mais, tant qu'à le ranger, "art de vivre heureux" conviendrait, quoique j'ai moi-même écrit dans mon bouquin que partout où l'on voudrait le ranger, il dérangerait...

- on pourrait s'étonner de me voir condamner tout prosélytisme et faire l'apologie de la pensée (& "non-penser") d'Alan Watts, qui d'ailleurs un problème de double-bind, double contrainte qu'exerce la société occidentale par l'injonction faite dès l'enfance à ses membres, -abordée dans le Book lui-même : Sois sincèrement toi-même comme tout le monde !

Mais, l'être humain est un être de communication (pas exclusivement sociale et/ou politique, toutefois, mais aussi écologique et mystique) ; et puis "philosopher" est aussi un plaisir d'échange verbale, de dispute d'idées et d'opinions, l'Agora...

- j'avais pensé que "Le livre de la Sagesse" me permettrait de faire pivoter ma réflexion pour cette raison que l'ouvrage est un résumé et comme une mise au point avant de tourner la page. Lorsque j'avais lu cet ouvrage, je l'avais dévoré (et bien rigolé) plus que vraiment lu, encore moins étudié. Cette fois, ne disposant que du texte anglais, langue que je comprends mais lentement, j'ai été contraint et forcé de constater que cette "mise au point" s'adresse au public américain, pourvu d'une mentalité américaine différente de la mentalité européenne et, singulièrement, de l'esprit français1.

Je ne vais pas pouvoir éluder cette difficulté et trouée d'incompréhension menant à croire acquis l'idée nouvelle, en raison de la possibilité de la ramener à une idée connue.

Je ne vais pas escamoter l'affaire ; je ne suis pas sûr de parvenir à l'élucider. Où clairement situer la cible que constituerait un axe mentalités française et américaine et un autre entre un pôle chinois du Dao et un pôle du Logos. Avec bien sûr -comme sur toute boussole, les quatre "intermédiaires" de la foi et de la science, de l'idéologie ambiante et de la créativité personnelle ?

Ouh! Là, là !

 

1Je n'ai rien contre (ni pour) "l'esprit français" ; je ne le prends pour cible emblematique qu'en ce qu'il fut un temps, voire plusieurs temps, où la langue française était la seconde, voire la première langue des beaux esprits, de l'Atlantique à l'Oural, pour reprendre une célébre formule du Général de Gaulle, et où nos philosophes conseillaient les puissants de ce monde. Ce "monde" étant l'Europe -et point final de la "civilisation"!

10 avril 2012

Le Livre de la Sagesse (4/5-B)

Cup or faces paradox

=

 

Le fond et la forme s'engendrent mutuellement, tels le Yin-Yang.

 

Il importe de faire remarquer l'Ancienne Civilisation étant déjà entrée en décadence qu'il devint rapidement nécessaire "d'inventer" les notions de "jeune yin/vieux yin" et "jeune yang/vieux yang", afin de faire bien comprendre que cette relation est dynamique et que le Dao est, par définition, mouvement.

 

Nous poserons diverses questions idiotes :

 

- Pourquoi ne naissons-nous pas et ne restons-nous pas heureux tout le temps de notre existence ?

 

- Pourquoi les gouvernants s'acharnent-ils à faire le malheur de leurs peuples ?

 

Nota : ma formulation implique par elle-même un lien dont je tenterai d'éviter de tenir compte (du moins dans un premier temps). ma référence première est la fable du "chien et du loup", mais elle ne tient pas compte du phénomène de la domestication : un loup éduqué tel un chien ne peut pas survivre dans la nature.

 

Le but poursuivi sera plutôt une illustration de mon idée (mon "dada") de vouloir qualifier Alan Watts de taoïste, étant entendu que le Dao est un idéogramme chinois mais sa réalité universelle.

 

Afin de tisser les items, ils seront plusieurs fois utilisés sous des aspects, des niveaux ou des angles différents.  

 

12 avril 2012

Le Livre de la Sagesse (4-5-C)

Le Livre de la Sagesse (4-5-C)

 

Pour débroussailler le terrain, qui en a bien besoin, je propose d'aller voir ailleurs que dans l’œuvre d'Alan Watts.

Car, je pourrais dire que (particulièrement au long du Chapitre 5) qu'Alan Watts a copié sur Liezi et son si fameux Yangzu :

 

...il faut leur laisser toute liberté d’écouter, de regarder, de flairer, de goûter ; toute licence pour les aises du corps et le repos de l’esprit. Toute restriction mise à quelqu’une de ces facultés, afflige la nature, est une tyran­nie. Être libre de toute contrainte, pouvoir satisfaire tous ses instincts, au jour le jour, jusqu’à la mort, voilà ce que j’appelle vivre.

=

Il arrivera certainement à vivre plus longtemps, dit Yang-tchou. Mais, vivre plus longtemps, est ce un résultat qui vaille qu’on se donne tant de mal, que l’on fasse tant d’efforts ? Le monde a toujours été, et sera toujours, plein de passions, de dangers, de maux, de vicissitudes. On y entend, on y voit tou­jours les mêmes choses ; les changements même n’y aboutissent à rien de nouveau. Au bout de cent ans d’existence, ceux qui ne sont pas morts de douleur, meurent d’ennui.

=

Le monde a toujours été, et sera toujours, plein de passions, de dangers, de maux, de vicissitudes. On y entend, on y voit tou­jours les mêmes choses ; les changements même n’y aboutissent à rien de nouveau. Au bout de cent ans d’existence, ceux qui ne sont pas morts de douleur, meurent d’ennui.

...

Les anciens ne donnaient pas un poil à l’État, et n’au­raient pas accepté qu’on se dévouât pour eux au nom de l’État. C’est dans ces temps là, alors que les particuliers ne faisaient rien pour l’État, et que l’État ne faisait rien pour les particuliers ; c’est dans ces temps là, que l’État se portait bien. (Liezi.7) (ici traduction Weiger)

= = =

Mais, comme le note Cassandre, dans son http://www.cafe-geo.net/article.php3?id_article=1936

on ne manquera pas de me dire que

Lie Zi (4e siècle avant notre ère) et son « complice » Yang Zi (quand on écrit ce Zi là, on veut dire Maître, titre réservé aux penseurs et aux philosophes, attitude qui décrit une civilisation aussi bien que le fait qu’ailleurs ce même mot soit obséquieusement attribué aux avocats et aux notaires) sont définis dans notre langue par sept attributs : déterminisme, fatalisme, naturisme, épicurisme, scepticisme, égoïsme, pessimisme.

Il va sans dire que je ne partage pas les ardeurs militantes de Cassandre, dont je n'ai d'ailleurs découvert le site que hier matin, alors que je cherchais une traduction très "académique" de Liezi!

mais -c'est un autre fait- je ne peux pas m'empêcher de penser qu'il aurait bien fait rigoler Alan par ces autres qualités de Yangzi:

Égotiste revendiqué, individualiste, hédoniste, trois nouvelles qualifications....

...on pourrait l’accuser d’athéisme ; comme, en outre, il refuse tout embrigadement, voilà que l’on n’a pas manqué quelquefois de lui attribuer un anarchisme vigoureux. Encore deux - ismes de plus.

ou encore cet autre paragraphe:

« L’attitude de Yang Zhu possède en outre un énorme avantage : elle a probablement épargné à ceux qui ont eu à la connaître de se débattre dans l’hypocrisie des sentiments. On voudrait même aller jusqu’à dire que l’on pourrait la qualifier, ce que quelques esprits mal informés affubleront du mot paradoxe, d’une parfaite selflessness.

Pour les hésitants : selflessness est un compliment immense et neutre. Il signifie, selon le Harrap’s, soit désintéressement, soit générosité. On est loin des qualificatifs du début. Certaines traductions sont, d’évidence, idéologiquement biaisées quand elles donnent comme résultat : abnégation (trad Google), dévouement, abnégation (Collins), altruisme (Larousse), ou bien pire : oubli de soi, priorité à autrui. Elles reflètent toutes, plus ou moins, l’idéologie poisseuse d’une « société du care  », cette société dite du « bien-être » dans laquelle de bonnes âmes (sic) veulent nous engluer.»

Je rappelle au passage que j'ai prétendu viser une réponse à la question : "Pourquoi ne sommes-nous pas naturellement heureux, dans une société, religieuse ou laïque, qui -et c'est bien naturel- ne veut rien d'autre qu'assurer le bonheur de chacun le temps de son existence?" Ou, après...

&

Découvrir la véritable nature du "Moi" et du tabou qui nous en voile le simple perception est en effet bon à savoir pour la santé et la paix de nos esprits mais aussi pour des raisons très pratiques en économie, politique et technologie. («This is important not only for sanity and peace of mind, but also for the most "practical" reasons of economics, politics, and technology.»)

&

Je renvois (publicité gratuite) à Le monde diplomatique, d'Avril 2012, au sujet de la réunion sur « le bonheur » organisée par le royaume du Bhoutan au siège des Nations unies, Olivier Zajec, dont je voudrais citer ces trois phrases : « En un mot, le PIB mesure tout, sauf ce qui fait que la vie vaut la peine d'être vécue. »  1968, Robert Kennedy

 

«Comme l'écrit la CMPEPS, l'exigence de passer d'une évaluation de l'activité marchande à une évaluation du bien-être se fait plus pressante. (...) Les politiques devraient avoir pour but non d'augmenter le PIB, mais d'accroître le bien-être au sein de la société . Objectif qui ne remet pas totalement en question le PIB comme indicateur, mais implique de le transcender. Ce qui pourrait avoir des conséquences radicales. L'une d'elles serait la contestation du « modèle » américain, qui corrèle croissance et progrès. S'imposerait aussi le réexamen des mesures macroéconomiques monolithiques du FMI, fondées sur l'unilatéralisme des indicateurs classiques. 

 

L'économie libérale demeure un artéfact religieux et, comme tel, hésite à se priver de ses faillibles augures. Tant pis si ces derniers, marché ou agences, ont régulièrement besoin de victimes pour pouvoir « lire » dans les entrailles de la croissance.»

 

16 avril 2012

Le Livre de la Sagesse (4/5-E)


Avant d'en venir au 5/5 des méandres de ma réflexion....

Alan Watts nous dit lui-même :

Mon propre travail, bien qu'il puisse paraître parfois un système d'idées, est fondamentalement une tentative de décrire l'expérience mystique, non pas de visions officielles et d'êtres supra-naturels, mais de la réalité telle qu'on la voit, et qu'on la ressent directement dans le silence des mots et du mental. («My own work, though it may seem at times to be a system of ideas, is basically an attempt to describe mystical experience, not of formal visions and super-natural beings, but of reality as seen and felt directly in a silence of words and mindings.»In my own way, p5)

Mon commentaire de cette citation précise -et séparé de tout contexte autre que mon propos- serait celui-ci : "l'officiel" et "le surnaturel" relève de l'inculturation, de l'acculturation ou des Soucoupes Volantes, mais pas de cette spontanéité naturelle et réelle (autrement dit, pouvant être décelé par des électroencéphalogrammes, des analyseurs de sang et je ne sais trop quel autre moyen du "genre pour cosmonaute", mais qui attesterait, voire prouverait, que "du réel" a eu un "effet" sur "du réel".... en dehors des mots, de tout système de croyance ou de toute élucubration du mental).

Tout ça seulement pour dire que je souhaite parvenir le moment venu, très bientôt, à susciter un autre écho qu'une réaction du genre "tiens? intéressant!"

J'ai déjà eu l'occasion de le dire : que ce soit comme "vulgarisateur" du Chan/Zen ou d'un transcendance ésotérique de l'opposition Orient-Occident, Alan Watts est dépassé depuis longtemps.

Il demeure la question de savoir quel est l'impact des mots "vulgarisés", quelle expérience personnelle intérieure ("ésotérique") en découle, quelle transformation, etc. ... quelle Voie ouverte sur laquelle marcher et non plus gloser.

&

Je tiens par avance à me défendre de passer sans cesse du coq à l’âne dans cette suite de réflexions suscitées et élevées par ma (cette fois-ci) lente lecture du THE BOOK, LE Livre : n'y aurait-il aucun lien d'interdépendance mutuelle entre un coq et un âne ?

&

Alan Watts, en soulignant l'importance de la Contemplation chez Aristote, m'a évidemment fait penser à Aristote lui-même, qui m'a fait penser à Pierre Hadot. Lequel me fit un choc aussi considérable que si j'avais lu à la une d'un quotidien "Les professionnels de la philosophie descendent dans la rue pour réclamer du gouvernement un peu plus de Sagesse!". J'en étais sidéré. Cette année là, 1996, je lisais systématiquement peut-être m'y avait-on abonné– le Magazine littéraire. L'un de ses numéros porte sur le thème «Le souci, éthique de l'individualisme» (345 - juillet-août 1996), dont l'un des articles titrait explicitement Le souci de soi, venant fortement nuancer cet "individualisme". Ma collection de cette revue doit être dans l'un ou l'autre de mes cartons. Il y a suffisamment de pagaille chez moi pour que je me risque à en ouvrir au hasard. Mais, via le Web, j'ai pu consulter une interview effectuée peut avant sa mort parPhilosophie Magazine (Propos recueillis par Thierry Grillet) dans laquelle, il déclare :

«D'où le reproche d'incohérence ou de mauvaise composition que les interprètes modernes, obnubilés par l'aspect systématique d'une pensée, ont souvent fait à l'égard de ces philosophes antiques. Je me suis rendu compte que les auteurs composaient, non pas pour exposer un système, une théorie parfaitement cohérente, mais pour produire un effet sur le lecteur ou l'auditeur. Ils voulaient faire travailler l'esprit de l'auditeur ou du lecteur pour qu'il se mette dans une certaine disposition. D'où cette mobilisation de tous les moyens rhétoriques et imaginatifs pour convertir*. ...on voulait convertir les disciples à des modes de vie bien précis.»

 *Souvenons-nous que Pierre Hadot "pense grec" et qu'il entend donc "conversion" au sens de transformation de soi (metanoïa) et non pas, bien entendu, de "credo"...

 

N'est-ce pas proche de ce Watts nous dit de son "own work" ? Et, tacitement, ne suis-je pas une manière de "disciple" du philosophe californien ?

J'ajoute qu'il déclare aussi «Je m'étonnais d'être moi, d'être là dans ce monde immense et inconnu, dont j'étais une partie. Romain Rolland a appelé cela le «sentiment océanique». Ai-je été prédisposé à la philosophie par cette expérience?»

Je m'étais réconcilié avec cette notion "océanique" via celle de "retour" de la Chine ancienne. Mais, dans ma jeunesse, on m'avait tellement rabattu les oreilles des tendances "régressives" de ma personnalité que "océanique" m'était devenu ... tabou.

Au fond, vision "synoptique" pour l'intellect

vision "océanique" pour le sentiment

vision d'inclusion et d'appartenance pour le corps... Dao.

 

 

 

22 avril 2012

Arc-en-Ciel 1/2

Arc-en-Ciel 1/2

Alan Watts a souvent dit d'une manière ou d'une autre que nous concevons habituellement toute limite comme séparation par "choix" culturel ; nous pourrions aussi bien juger que toute limite relie plus qu'elle ne sépare. La peau de notre corps limite sa différence d'avec l'air environnante mais nous y unit. La peau est poreuse et fragile. Sinon, nous pourrions sans dommage nous baigner dans du gas-oil comme dans de l'eau claire (s'il en reste!). Notre peau est la forme de notre corps dans l'air ambiant, ou dans l'eau, le feu, les végétaux eux-mêmes (allez donc vous plonger dans un bosquet de ronces!) ou le métal (d'une automobile classique, par exemple, quand on oublie de traverser dans les clous et qu'on se retrouve à l'hôpital!).

Nous avons une logique d'exclusion plutôt que d'inclusion.

 

Une anecdote au passage : je me souviens avoir lu le compte-rendu d'un missionnaire catholique, dans une petite tribu vivant aux confins du Bhoutan, de l'Inde et de la Birmanie (tout au nord-est de la carte de l'Inde, si vous voulez à peu près situer), expliquant l'impossibilité dans lequel il se trouvait d'expliquer à ses nouvelles ouailles le dogme de l'Immaculée Conception : ils ne disposaient d'aucun mot pour désigner la "virginité", ni aucun mot pour désigner la "maternité" (comme résultat de l'intervention d'un père identifiable)*. Si ma mémoire ne me trahit pas, ils conclurent des explications -pour eux bien alambiquées- du missionnaire que la Vierge Marie était une magicienne ayant une sorte de théâtre à l’intérieur de son ventre : on écarte les rideaux et -hop!- Marie & Joseph se retrouvent avec dans les bras un magnifique petit Jésus, dont Dieu leur a fait cadeau. Ma foi! Je dois dire que je trouve cette métaphore bien plus poétique que celle du bébé dans un chou-fleur ou par parthénogenèse....

*Nota : cette manière d'envisager la chose serait également courante dans de nombreuses tribus du Sud-Est chinois.

La variété des vocabulaires "locaux" peut aller beaucoup plus loin que le mot "neige" selon que l'on est esquimau ou amérindien, mentionnée dans The Book. Les expériences de vie, dont de "vie religieuse", ne sont pas toujours transmissibles, voire seulement traduisibles, d'une culture à l'autre. Et, c'est l'une de toute première idée du Livre que j'ai rapportée ici : Nous explorons les ombres de la vie avec le mince éclairage d'une lampe de poche, faisant succéder nos perceptions (et, au bout du compte nos aperceptions - notre savoir tout entier) de manière disparate et fractionnelle. Nous expérimentons une aperception de nous-mêmes comme nous expérimentons une perception des objets externes -et nous les expérimentons à la vas-comme-je-te-pousse de nos désirs comme à hue et à dia de nos émotions.

 

Je n'oserai l'affirmer, mais il me semble que le phénomène de l'arc-en-ciel est l'un des rares, voire le seul "objet" global que l'ego puisse percevoir en tant qu'ego séparé. Je suppose, sans l'affirmer, que c'est la raison qui explique le caractère quasi sacré, en tout cas symbolique ou religieux, attaché à l'arc-en-ciel.

 

Il devrait me permettre de sortir de l'impasse où mes réflexions me menaient. (Mon erreur ayant été de me fier au souvenir d'avoir "bien rigolé" en lisant Le Livre de la Sagesse en français. En réalité, je ne l'avais pas lu avec suffisamment d'attention. Et, par exemple, je ne m'étais pas aperçu que cet ouvrage est sans doute le seul et unique livre directement et explicitement libertaire et antipolitique qu'il ait rédigé. L'aide humanitaire, à plus forte raison "l'intervention" humanitaire, n'étaient pas encore d'usage courant : leur nocivité est directement mise en cause dans Le Livre. J'entends "sans faire appel à la différence Société Traditionnelle-Société Moderniste"1.)

Avec ces mots qui viennent fractionner le Réel2, qu'avons-nous déjà relevé ?

- que tenter d'entrer en "méditation", c'est tenter d'être là, tel que l'on est, sans esprit de devenir, sans arrière pensée d’Être autrement ; seulement d'être en présence de soi-même... quelque soit le contenu référé par ce "soi-même"3.

- le "double-bind" comme premier facteur actif de notre Ignorance du Soi cosmique4.

- que l'exemple type et quasi générique est «Sois sincèrement toi-même comme tout le monde!», qui est à double niveau //«sois sincèrement toi-même»// qui est en une double-injonction contraire : ce "Sois" signifie en fait "Agis" ou "comportes-toi" (ne serait-on pas en droit de ne rien manifester, de n'avoir aucun comportement repérable, de demeurer anonyme au milieu des autres ou "en repos" dans l'isolement.... comme en méditation et sans rien faire ?)

J'ai eu un oncle, pas très scientifique ni littéraire, qui disait "bouges-toi!", généralement associé à "tu veux du bœuf, je te ferai manger du cochon!"...

Nous ne sommes pas loin du //«comme tout le monde»// car la norme sociale vient indiquer ce qu'un bon "soi-même" (bon citoyen ou bon fidèle d'une religion) doit faire et ne pas faire...

"pour son bien"... la société civile et/ou religieuse ne peut vouloir que le bien de ses membres, n'est-ce pas ?

 

Bien entendu, lorsque Alan Watts nous dit que la religion consiste à éplucher les patates en pensant à Dieu (ou en "offrant" sa peine à Dieu) alors que le Chan/Zen consiste à se contenter de les éplucher dans l'instant de chaque pelure, il peut être bon de savoir que ce Dieu peut être l'argent, le pouvoir, l'érotisme, la réussite sociale, les honneurs, etc. aussi bien que le Père Éternel. Cette idée de Dieu, en tant que valeur suprême, est de l'ordre de ce "comme tout le monde".

- si la forme et le fond s'engendre mutuellement, il peut être utile de savoir que l'on ne peut être "soi" (la forme) qu'en fonction du fond (la société des "comme tout le monde") au niveau mental.

- les divers problèmes d'acculturation et d'inculturation, comme ceux du bourrage de crane, apparaissent alors. Il est bon de connaître ses propres racines, au niveau des contraintes directes policières ou psychiatriques, comme au niveau des "double-bind" beaucoup plus cachées et/ou inconscientes.

- servam annam, tout est nourriture, vaut à tous les niveaux, plans, aspects de ce "soi-même" comme de ce "comme tout le monde"5. Nourriture du corps, des émotions, des ratiocinations.

- nous envisageons "les choses" séparément mais néanmoins comme de même "substance"!

 

Mais, j'y reviendrai car j'ai insensiblement fait varier l'acception des notions utilisées.

Est-ce l'impasse ? Au moins, que je me sois perdu en cours de route ? Probable...

Le point soulevé au début étant la perception de deux formes et de deux fonds, chaque noir-blanc et chaque blanc-noir indiquant deux choses différente selon son coup d’œil : un vase ou deux visages nez à nez, pouvant donner lieu à des projections différentes : par exemple, l'amoureux qui "voit" des lèvres s'approchant pour un baiser et le prêtre qui y "voit" le calice du rituel & sacrement de son sacerdoce.

 

 

 

1-Dans mon essai sur Watts (et un essai n'est pas un traité), j'avais cité la célèbre phrase de Thoreau « De tout cœur, j'accepte la devise "Le gouvernement le meilleur est celui qui gouverne le moins" » parce-que tous les amis de Watts le pensaient et l'utilisaient pour la question raciale, la guerre du Vietnam comme dans le mouvement psychédélique. Toutefois, -à prendre avec réserve-, dans Le Livre, Watts se réfère nommément à Thoreau pour le première fois.

2Pour paraphraser Laozi (35), le Tao devient fade et sans saveur, on le regarde mais on ne le voit pas, on l'écoute mais on ne l'entend pas... nos cinq sens ne nous permettent plus de percevoir et d'avoir l’intuition directe de l'ensemble de ce panier sémantique contenant des mots tels que Réel, Soi cosmique, Dieu, etc. mais évitant (ici) d'en donner une quelconque quiddité.

3Pour simplifier, à l'usage des connaisseurs : pratyahara et dharana ne sont pas Dhyâna, ni Samadhi -étant toutefois entendu que les huit branches sont parties d'un même arbre qui pousse simultanément de toutes parts... en absence d'un obstacle ou d'un coup de vent venant casser telle ramification et obligeant à une nouvelle harmonie (et/ou homéostasie) de l'ensemble.

4J'évite, ici, "double-contrainte", car dans la "névrose expérimentale" deux stimuli de force égale et opposée peuvent entrainer une sorte de catalepsie. Cette perception est directe, réelle et "correcte" quant aux stimuli. Dans le "double-bind" la perception est "incorrecte", inconsciente... ou "subconsciente" à la rigueur!

5Je ne puis résister au jeu de mots : comme tout le monde, dans un "monde" dont 95% des gens "normaux" vivraient à New-York et -voyageant- dépasseraient la statue de la Liberté pour se retrouver aussitôt dans le port de Shanghai!

28 avril 2012

Arc-en-Ciel 2/2

Arc-en-Ciel 2/2 Guan-Yin m'est miséricordieuse! Je viens de trouver en http://ideeschinoises.blog.lemonde.fr/ du 04.04.2012 ...ce qu'il me faut pour poursuivre : «Dans les premiers chapitres je n’ai pas eu le sentiment, comme promis par le compte-rendu du Monde des livres1, de découvrir des idées nouvelles. La pensée comme l’expression arborent une pleine maturité, mais, pour qui connaît le travail de F.Jullien , rien de neuf dans l’interprétation proposée de la pensée chinoise : « ni muthos ni logos », toujours la même expression, au demeurant si efficace sous l’angle pédagogique. Là-bas, nous rappelle-t-elle, on ne narre pas, on n’argumente pas, on est dedans, tout de suite, dans le mouvement des choses, et on n’en sortira plus. Dans ce discours simple, étale, doucement irrésistible, pas d’Être (ni de devenir), pas de Dieu (ni de monde créé), pas de Sujet (ni d’objet), pas d’Esprit (ni de matière). Rien que du souffle-énergie en mouvement sous l’égide d’une Voie qui jamais ne s’arrête. Pas d’éternité non plus mais un écoulement sans fin, comme le fleuve dont Confucius contemple sereinement le cours. On ne se creuse pas la tête sur un Premier Commencement, on ne s’angoisse pas sur une Fin Dernière. Les Chinois ne se posent que les problèmes qu’ils peuvent résoudre.» Nous avons vu que la perception première du "calice-baiser" (du calice et/ou baiser) est une affaire de convenance personnelle, de "connotation affective". Un anticlérical n'y verra d'ailleurs pas du tout un calice mais un simple pot de fleur ! (Pour souligner, dans mon bouquin hors-commerce, ce qu'en dit Watts, j'avais du dessiner un "vase" qui ressemble vraiment à un calice tout en maintenant "l'indécision perceptive" selon que l'on regarde d'abord le fond ou la forme, le noir ou le blanc). L'inconvénient de cette démonstration expérimentale est sa réduction à une seule alternative et que l'objet de perception est statique. Dans la perception d'un arc-en-Ciel, l'expérience est bien moins statique et comporte même une connotation d'espoir si celle-ci intervient alors que vous marchez ou roulez à bicyclette complètement trempé. Le Ciel paraît vouloir dire "t'en fais pas mon petit gars, ça va sécher". Par le fait, ça m'est arrivé plusieurs fois ; ce n'est peut-être pas de la grande mystique mais ça fait tout de même sacrément plaisir de se retrouver à sec quelques kilomètres plus loin/plus tard qu'au lieu et moment de "l'apparition"! Et, à défaut d'un sentiment "océanique", on peut éprouver un sentiment de connivence avec la nature. Dans l'arc-en-ciel, philosophiquement, les choses se compliquent un peu en ce sens qu'après s'être demandé s'il s'agit d'une réalité objective observable dans certaines conditions optiques ou d'un phénomène optique réalisable dans certaines conditions objectives, que reste-t-il à dire ? Pas grand-chose. Nous revenons à une classique dissertation de classe de philosophie sur l'exactitude de la perception que nous avons du monde, et de la représentation mentale que nous en formons. Et, à priori, ce problème ne concerne pas un "tabou qui nous empêcherait de savoir qui nous sommes", et que j'ai d'ailleurs de plus en plus envie de reformuler en "Tabou qui nous contraint d'ignorer ce que nous sommes"! § Un observateur en position ad hoc + le soleil + l'humidité = arc-en-ciel.  Bien sûr, on pourrait dire que si le soleil et l'humidité sont en relation ad hoc, disons, plus l'océan, tout observateur sur un navire qui navigue en conformité avec eux peut voir un arc en ciel.  On pourrait dire qu'avec un observateur et le soleil correctement alignés, l'arc-en-ciel apparait quand il y a de l'humidité dans l'air! Mais, nous dit Watts, cette présentation des choses n'est pas admissible dans notre culture, car elle laisserait supposer qu'il y faut un observateur, alors que la mystification ordinaire consiste à laisser penser que les choses existent par elles-mêmes, qu'il y ait un observateur ou pas. Pour ma part, je dois dire que cette question proprement dite ne m'a jamais beaucoup inquiété. J'ai appris au "petit catéchisme" que Dieu fait apparaître un arc-en-ciel pour nous dire qu'il n'y a pas lieu de s'inquiéter. Il n'est pas fâché. Ce ne sera pas le Déluge. Le soleil et sa chaleur vont revenir. Mais, je dois avouer que j'avais été traumatisé (j'en avais fait des cauchemars plusieurs nuits de suite) quand j'avais lu cette autre question de Watts : "Quand des arbres tombent par une nuit de tempête, que deviennent-ils au petit matin s'il n'y a eu personne pour entendre le fracas le leur chute ?" C'était comme toucher du doigt l'irréalité du monde. C'était terrifiant. Car, si le monde est irréel, il s'ensuit à coup sûr que moi-je pourrais être tout aussi irréel que lui ! Que reste-t-il donc si moi et le monde n'existent pas réellement ? (Excusez-moi de jouer les instites, mais c'est peut-être le moment de relire mon emprunt à "Idées chinoises"...) Descartes -mais peut-être plus les cartésianistes que Descartes lui-même- nous diront qu'il y a au moins une certitude sur laquelle on peut s'appuyer avec confiance : que nous puissions "penser" à l'irréalité du soi, du monde ou des deux ensembles prouve que penser existe (et est "réel"). C'est l'un des "fondamentaux" de l'Occident. En Orient, en Extrême-Orient, se situer dedans le mouvement est plus important (et pratique) que penser le mouvement, ou les éléments nécessaire au mouvement, ou, sinon, la perception du mouvement dans lequel nous sommes.

 Yin yang 

Ce symbole (taiji tu) doit s'imaginer en mouvement, la nuit-noir-vieille-yin s'effaçant au fur et à mesure que le jour-blanc-jeune-yang la recouvre - et alternativement !

17 novembre 2012

Place de la Philosophie d'Alan Watts 1/2

Tout à la fin du XX° Siècle, il existait encore dans l'extrême sud de l'Amérique une petite population de vieillards possèdant une particularité génétique recessive remontant à plus de 15 000 ans. Cette particularité, depuis lors, a probablement disparue à tout jamais. Car, pour survivre, les enfants et petits enfants de cette petite population n'avait plus eu d'autre choix que celui de se fondre dans la masse des autres êtres humains. Je ne saurais vous en dire plus, faute d'une culture scientifique suffisante.

Je mentionne ce détail pour sa longueur de temps : 15 000 ans. Une particularité parmi toutes les variétés génétiques de la vie humaine vient de disparaître à tout jamais de la surface de la Terre. Voici à peine une dizaine ou une quinzaine d'années...

 

Mais, tout de même, cette particularité aura vécue 15 000 ans!

Telle qu'elle était encore voici une cinquantaine d'années, cette population constituait donc un peuple survivant de la protohistoire. Quand on parle des espèces en voie de disparition, on songe aux espèces animales, et rarement aux espèces humaines. On oublie aussi les échelles du temps, et cette caractéristique de toute vie, de toute espèce végétale, animale ou humaine : le temps plus ou moins long et pénible qu'elle met à naître, -à apparaître au royaume de l'existence des formes et des nominations-, ET le temps extrèmement bref et sans douleur qu'elle met à disparaître. Munissez-vous d'une pierre, allez voir votre voisin, fracassez son crane... vous saurez le plus "expérimentalement" du monde combien cette même vie, -si merveilleuse!-, est fragile. Je déconseille fortement le suicide : il ne saurait être "expérimental" puisque non renouvelable à volonté, contrairement au meurtre qu'il s'agisse de celui d'un minéral, d'un végêtal, d'un animal ou de votre voisin de palier.

Je ne me risquerai à aucun exposé précis. Le risque d'induire en erreur serait trop pesant.

 

Avant de traiter du Bouddha Sakyamuni, ou de la bouddhéité qui est en chacun, il n'est pas inutile de secouer un peu nos idées reçues et nos prêts-à-penser qui engonzent l'intuition que nous pourrions avoir de ce que signifient des expressions telles que "Tradition Primordiale", et donc "Philosophie Perenne", l'ésotérisme de notre corps génétique, physique, culturel, spirituel. Il est assez habituel de diviser les choses en trois Anima, Animus, Spiritus (ou si on veut, notre "animalité", notre "humanité" et notre "divinité"). Personnellement, je n'ai jamais tenté de les apprendre par coeur, mais il est bon de savoir que cette division peut se subdiviser en 21, 63 ou 99 parties, venant ainsi illustrer le célèbre apophregme taoïste : L'Un se fit Deux et créa les Dix Mille choses.

A propos de ces poussières de tapis mental - à fortement secouer, je signale que mon surf internautique m'a permis de me souvenir d'un fait (que je n'ai pas appris sur les bancs de la fac, mais en lisant James Bond, volume On ne vit que deux fois.) : si la culture japonaise est massivement d'origine chinoise, quelques peuplades du nord sont génétiquement d'origine tibétaine, d'autres plus récentes d'origine coréenne.

Moi, je suis d'origine celtique (bretonne) ; et vous ?

ATTENTION ! Je ne suis pas là en train de vous faire un cours quelconque de Culture Générale. Je tente de préparer la scène du théâtre de nos idées et opinions illusoires au milieu de laquelle je veux placer Alan Watts nous entretenant de nous-mêmes : moi, toi, lui ou elle, les autres, frères et soeurs en humanité terrienne autant que céleste !

 

Le point, pour sa part plus philosophiquement recevable et peu discutable, étant que je ne vois aucune raison d'accorder plus d'importance aux révolutions républicaine, laïque, freudienne, politique ou monétaire, lesquelles ne datent que de quelques années, qu'à la "protohistoire", qui nous fait au moins dans les 10 000 ans d'age.

Et ceci tout en gardant présent dans un coin de l'esprit l'échelle du temps : faites ce qu'on appelle un "rappel à soi", entrez en méditation ou "centrez vous dans l'oubli1", vous connaîtrez un instant d'éternité... quelques secondes fugaces.

 

La Contre-Culture, que l'on peut élargir sur une trentaine d'années, de 1950 à 1980, eut cette intuition de revoir, de ré-examiner cette question du rapport du temps et du sens de la durée vécue. Tout particulièrement lorsqu'elle visa un renouvellement poétique de notre approche du moderne, une sorte de Révolution Intérieure, la Contre-Culture avait pour première révolte le refus de se plier aux exigences horaires du travail, de la croissance économique comme des loisirs et leurs consommation & production de déchets. A un moment donné (en gros 1965-68), on aurait pu croire qu'une grande vague de fond secouait l'ensemble de la jeunesse mondiale. Le reflux ne tarda pas, laissant derrière lui quelques ilots où se réfugièrent quelques-uns, tels que Garry Snyder ou Allen Ginsberg pour ne citer que deux noms phares. La grande révolte mondiale, la douceur des "enfants fleurs" comme le sursaut libertaire, écologique et poétique devint ou redevint minoritaire, très minoritaire. Certains de ses aspects esthétiques et artistiques demeurent, comme de fragiles passerelles offertes aux communautés des nouvelles générations...

 

Hier au soir, en surfant sur la toile, je suis tombé sur cette définition : «Le vocable de communauté désigne toutes les expériences de fuite hors du monde moderne, ainsi que toutes les formes de recherches de vie nouvelle que cette fuite implique.» (Bernard Lacroix, Revue Française de Science Politique, juin 1974)

Plus près de nous, j'ai également trouvé un texte d' Henri Arvon, dont je connaissais déjà les travaux sur l'anarchisme : «C'est au travers une double hostilité envers le monde occidental et le monde socialiste, envers la société de consommation et la bureaucratie totalitaire, que le gauchisme revendique un monde où le bonheur dépende non pas de la conquête et de la destruction de la nature accomplies au profit d'une aveugle croissance économique mais de la réconciliation avec elle.» (Henri Arvon, Le gauchisme, PUF 74, reéd. 77, p 10) Je souligne...

 

Dans ma pérégrination cliquetante sur l'Internet, j'ai rencontré divers autres auteurs tels que Jean Baudrillard, pour son étude sur la société de consommation (1985), Pierre Clastres, pour sa Société contre l’État (1974, reéd 2011), Ivan Illich bien sûr (mais lui, je connais ses écrits depuis très longtemps, via son parallèle entre l'organisation de l’Église Catholique et celle de la General Motors, dans la revue Esprit). Avant "Socrate, fonctionnaire", de Thuillier, c'était en somme «Mon curé fait du management».

Il est à relever, me semble-t-il, que ces auteurs (auxquels on peut ajouter des personnages aussi différents que Malinowsky, Margaret Mead, Claude Levy-Strauss, Konrad Lorenz, Jean Malaurie, René Dumont, Théodore Monod et combien d'autres!2) ont en commun de ne pas faire dépendre le sort du monde de la sortie de quéquette de celui-ci ou des malversations boursières de celui-là.

 

On l'aura compris, je cherchais quelques repères pour y dessiner et y accrocher les décors de fond d'un imaginaire tréteau sur lequel le discours philosophique d'Alan Watts puisse prendre place dans sa singularité toujours actuelle (j'ai presque envie d'ajouter : hélas!).

Ces décors de fond dressés, j'y placerai des points de vue (en langue française) sur la Philosophie, ou du moins, la pensée philosophique d'Alan Watts.

 

Enfin, je vous indiquerai quelle est la direction exacte de la Libération, la Sagesse, l'Immortalité ou plus techniquement exprimé le Bonheur-Liberté. Mot composé par S. C. Kolm.

Nous, en Occident Moderne (& Orient Moderne), nous avons tellement pris l'habitude de tout analyser (avant même la moindre compréhension de ce qui fait l'objet de cette analyse) qu'il n'est plus possible de traduire une conception orientale par un seul mot de nos langues occidentales modernes, et qu'il est devenu indispensable de rendre une notion orientale par un composé, éventuellement assorti d'un épithète venant en préciser le sens. (Certaines notions occidentales, antérieures au XIII° siècle, seraient à même de rendre mot pour mot divers concepts d'Orient, mais comme chacun l'apprend encore dans l'enseignement confessionnel aussi bien que laïc : les théologies et philosophies médiévales sont très-très moyenâgeuses, obscurantistes et pouilleuses... la peste et le choléra de la pensée positiviste, rationaliste, objectiviste et scientiste.)

Bien sûr, je n'en donnerai que la Direction (l'un des sens de "dao", un autre étant "dire"), qu'en regard d'un Tao indicible (Le Tao que l'on nomme n'est pas le Tao véritable ; le nom que l'on peut dire n'est pas le nom véritable.)

Ma prétention d'indiquer la bonne direction est bien moins grande qu'il n'y parait.

 

Il faut reconnaître qu'Alan Watts n'est pas accessible à illettré, mais il est non moins clair qu'il ne s'adresse pas à la société savante. J'avais beaucoup aimé le tout premier commentaire qui fut fait à la première édition en langue française de "Bouddhisme Zen" (Payot) : c'était un divulgateur.

Divulgateur des pensées orientales, il le reste mais bien peu. Les pensées, l'esthétique, la réalité quotidienne des peuples d'Orient abondent aux rayons des grandes librairies comme des disquaires, des vendeurs de produits audio-visuels les plus divers comme, gratis ou à faible coût, sur le Net.

Aussi invraisemblable que cela paraisse ainsi formulé : Alan Watts demeure un dangereux révolutionnaire sous un angle incroyable, celui que l'Orient me concerne moi et que "moi" (mais votre "moi" aussi) reste conditionné par l'alternative d'une antinomie supposée irréductible : vous "croyez en Dieu" ou vous "n'y croyez pas". Cette antinomie fausse toute approche de nos expériences tant corporelles que psychiques, religieuses que mystiques. On les a mis dans un fourre-tout de "spiritualité". On y embrouille tout. Et, surtout, on s'y embrouille soi-même et on trouble notre relation aux autres.

 

L'arbre se reconnaît à ses fruits. Peu importe que ceci soit vrai et que ceci soit faux ; il pèse seulement que ceci ou cela soit bénéfique dans ses résultats, source d'apaisement et de joie dans la relation aux autres et aux objets du monde.

En effet de retour, on s'aperçoit alors que somme toute je puis m'aimer moi-même et participer au festin du samsara, quoique de plus en plus ouvert et perméable au nirvana, ou, comme pour ainsi dire, s'en laisser aller au fil du Tao.

Il n'y a pas d'inconvénient à émettre l'idée de déification, sous réserve que ce dieu que l'on incarne soi-même soit compatissant, apaisant mais pas trop ennuyeux.

 

 

1Il est généralement dit "assis dans l'oubli" mais cette "assise" signifie plutôt "assiete" au sens de "l'assiète d'un cavalier", c'est à dire bien centré dans le ventre, ainsi qu'il est dit que l'on est bouddha couché, assis, debout. Les pratiquants du Chan/Zen ajoutant "immobile" et "en marche", et compliquant les choses en terminant l'explication de l'affirmation qu'il ne faut pas confondre le mouvement immobile et l'immobilité en mouvement (ce n'est pas un koan, c'est la simple constatation que l'on peut immobiliser son corps tout en vagabondant mentalement par monts et par vaux. Et, quoique plus subtil à percevoir, que la réciproque est également vraie.)

2cf. par exemple, http://www.fabula.org/atelier.php?La_collection_Terre_humaine%3A_dans_et_hors_de_la_litt%26eacute%3Brature

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